David et Vladimir se ressemblent beaucoup à en croire certaines personnes, similitude qui sert de point de départ à ce court roman. L’un narre les faits depuis sa fulgurante ascension sociale des années 1970, revenant aussi brièvement sur sa pauvreté d’avant ce qui apparaît comme une chance ; l’autre est confronté à ce récit depuis l’Amérique de 2018 et ouvre les yeux sur une réalité qui le dépassait jusque-là. Les deux perspectives se répondent bientôt, de manière plus efficace que les dialogues qui patinent un peu et ne sonnent pas toujours juste.
Moins focalisé sur les dérives politiques du pays qu’Une suite d’événements, moins mordant et moins crédible, aussi, Le numéro un compte ainsi moins pour son histoire que pour la plongée qu’il offre dans la Russie nouvelle renaissant des cendres de l’URSS. Comme Giuliano da Empoli le relate si précisément dans Le mage du Kremlin, à l’aube des années 1990, l’Ours s’est réveillé de son hibernation, les billets et les pièces ont noyé la misère des petites gens, l’ont éclipsé par leur éclat. Quant au KGB, il est là comme une menace à peine voilée, pesant sur les consciences, sur le passé de Vladimir, prêt à détruire son destin et celui de sa famille. La Russie d’Eltsine et des oligarques qui se prennent de passion pour les flux financiers louches se révèlent peu à peu alors que Mikhaïl Chevelev alterne deux points de vue et deux époques, s’apprêtant à les relier. Ainsi, le journaliste d’opposition russe signe une nouvelle fois un livre engagé qui dénonce les intrigues des puissants, les pots de vins et les trahisons, les manœuvres financières et les claquements des armes, un roman cependant plus marquant par son esprit et ce qu’il couve que par sa structure ou les faits qu’il raconte.
Merci aux éditions Gallimard pour ce service de presse.
Mikhaïl Chevelev – Le numéro un
[traduit par Christine Zeytounian-Beloüs]
Gallimard
5 janvier 2023 (rentrée littéraire d’hiver 2023)
176 pages
18 euros
Ton avis est moins enthousiaste que celui de Pativore. Je note quand même « Une suite d’événements » du même auteur et qui semble plus convaincant.
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J’ai été déçue, effectivement… et c’est aussi parce qu’Une suite d’événements m’avait plu. Je te le conseille : la dénonciation du régime russe y est plus fine, le scénario plus crédible et moins grossier.
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Bonjour Céciloule,
Super critique !
Je viens de terminer le livre également. J’aime bien l’alternance des deux époques surtout quand elles s’imbriquent comme dans ce roman. En revanche, je suis moins fan de la construction et la mise en page des dialogues (on peut perdre le fil en ne sachant pas qui parle parfois) ce qui hache la lecture. Ce n’est que mon avis.
Sur l’histoire en elle même c’est pas mal mais je pense qu’il faut le lire en gardant constamment en tête l’aspect engagé
Tchouss 🙂
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Bonjour Maxime et merci.
C’est vrai que les dialogues au début du roman ont tendance à nous perdre, étant dénués de toute ponctuation les délimitant. C’est très à la mode ces temps-ci… je crois que l’idée est justement d’atteindre une certaine fluidité puisque tout se mêle, mais je vois ce que tu veux dire.
L’histoire manque de crédibilité et de profondeur à mon sens, malgré tout, c’est sûr qu’en se rappelant que c’est écrit par un journaliste d’opposition, l’indulgence nous gagne !
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Décidément, la Russie contemporaine inspire les écrivains !
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Effectivement ! Mais si tu veux découvrir cet auteur, je te conseille plutôt son précédent titre, centré sur les intrigues autour de la Guerre de Tchétchénie. Il marque plus que celui-ci.
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