Mungo, Douglas Stuart

Mungo Hamilton pourrait être Shuggie Bain, Shuggie qui aurait grandi, ou Douglas Stuart qui aurait rajeuni. À quinze ans, le garçon est doux, tendre, gentil. C’est un petit ange au nom de Saint qui déambule dans les rues de Glasgow en espérant ne pas croiser de Catholiques – son frère, Hamish, chef de bande, est en guerre contre eux. La ville, à l’image de l’Irlande du Nord, est scindée en deux clans religieux qui font couler le sang quand ils se rencontrent, ces enfants armés de ferraille ne comprenant même pas ce qui sous-tend ce conflit ancré dans les mœurs. Jodie, la grande sœur, joue la protectrice de son cadet, le materne puisqu’ils n’ont pas même pas le droit d’appeler leur mère « maman ». Maureen boit, comme Agnes, mais elle part et revient, hante l’appartement quand elle y est, son corps désormais marionnette de Tattie-bogle qui s’en empare quand la bière coule à flot dans ses veines – conte de fée inventé pour apaiser les frayeurs de Mungo alors qu’il avait peut-être cinq ans. Si c’est bien ce petit-frère qui est au cœur du livre éponyme, sa bataille pour le bonheur, Jodie focalise aussi parfois, ce qui permet à l’auteur de faire de ce roman un concentré de la pauvreté, des drames qui y sont associés, et de la beauté offerte par la vie.

Douglas Stuart crée une double temporalité, oscillant entre l’avant et l’après – avant James, avant ses cheveux dorés et ses oreilles décollées, les boucles caramel rebiquant dans son cou, les pigeons qu’il berce, le goût sucré de sa langue ; après le sang, la honte, les graviers, l’essence. Récit d’apprentissage, roman des premières fois et des premières amours toutes tendres derrière les bourrades masculines, Mungo est un livre précieux. La langue est ciselée, douce et dure, sans faux semblants ni crudité inutile. L’auteur relate un point de bascule, deux parenthèses existentielles brutes et ambrées, rouge sang et vert émeraude. Mungo erre tantôt dans la forêt, au bord d’un loch glacé, lavé par l’odeur fraîche de la nature écossaise, tantôt dans les rues grises de sa ville natale. Cette structure annonce un drame, promet de la douleur, mais Douglas Stuart pommelle de lumière les trottoirs crasseux et les peaux blessées, s’éloigne du sinistre des rues de Sighthill où courait Shuggie, sinistre qu’il n’abandonne pas tout à fait pour autant – la maltraitance est là mais estompée, remplacée par d’autres sévices eux-mêmes presque fondus dans la beauté de ce premier amour à la Roméo et Juliette.   

Un grand merci aux éditions Globe qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.

Douglas Stuart – Mungo
[Young Mungo – traduit par Charles Bonnot]
Globe
5 janvier 2023 (rentrée littéraire d’hiver 2023)
480 pages
24 €

Ils/elles en parlent aussi : Le jardin de Natiora. Books, moods and more. Charlotte Parlotte. Tu l’as lu ?. Anita. Dealer de lignes. Au fil des livres.


6 réflexions sur “Mungo, Douglas Stuart

    1. J’avais eu un coup de cœur pour ce garçon si touchant mais certains pourraient reprocher à Shuggie Bain d’être trop misérabiliste et d’accumuler l’horreur.
      Mungo est tout aussi attachant, il n’est pas beaucoup plus gâté par le destin mais il est amoureux, ce qui change beaucoup dans l’atmosphère. Je dirais qu’ici, la douleur et la joie sont presque réparteis à parts égales donc c’est peut-être mieux de découvrir Douglas Stuart de cette manière.

      Aimé par 1 personne

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