Romans : les coups de cœur 2022

Si les coups de cœur de 2022 ont été moins nombreux que certaines années, ils n’en sont pas moins précieux. Tous touchent à notre humanité, effleurent le tissu du monde où évolue notre espèce avec une justesse inouïe. Ils sont superbes, pleins de poésie, de douleur et de beauté. Et j’en profite pour vous souhaiter une belle année et de poignantes lectures !

Bleu nuit, Dima Abdallah

Si le parti-pris de ce court roman peut déranger, sa poésie et les émotions qui sourdent de ses pages effacent bien vite toute gêne. Par choix, le héros erre dans les rues de Paris, inadapté, hanté par ses souvenirs du Liban que les effluves chauds qui montent des boulangeries françaises gomment momentanément. Percutant, ce livre émeut aux larmes. Critique par .

L’autre découverte de l’Amérique, Kathleen Alcott

Insaisissable, flottant, ce roman est pourtant similaire à un folioscope qui encapsule des atmosphères, celles de l’Amérique d’hier. S’y cachent un désert, un camp d’entraînement de la NASA, la jungle équatorienne, les manifestants de la Nouvelle Gauche des années 1970, tous conférant à cette histoire d’amour et à cette histoire de maternité ce qui s’apparente à la rumeur d’une foule. Ambiance après ambiance, photographie vivante après photographie vivante, ce livre s’anime, devenant un pop-up magnétique. Critique par .

Homéomorphe, Yann Brunel

Yann Brunel lui aussi floute les frontières entre les genres, fait de son roman un hymne aux complexités poétique et mathématique qui n’ont pourtant jamais été aussi pures et cristallines. Histoire d’héritage malheureux, de liens qui se retissent trop tard, de temps malléable, fresque sociale et sociétale dans l’URSS implosant, superbe histoire d’amour, Homéomorphe est aussi fabuleux que son titre, un terme scientifique qui devient humain. Critique par .

Tout est illuminé, Jonathan Safran Foer

Ce roman ne ressemble à aucun autre – ni conte, ni quête, ni autobiographie, ni satire, Tout est illuminé mêle tous ces genres, brouille les frontières entre le rire et les sanglots et parvient à faire naître l’émotion derrière le fantasque. L’antisémitisme est abordé avec une infinie distance et c’est aussi ce qui séduit ici. Critique par .

L’été où tout a fondu, Tiffany McDaniel

En se baissant à hauteur d’enfant, Tiffany McDaniel crée un tableau où le sang s’irise d’or et de joyaux carmin. Le racisme, l’intolérance deviennent intolérables alors que l’innocence de la préadolescence s’efface soudainement mais que la poésie prévaut, même dans la souffrance la plus inhumaine. Critique par .

Tenir sa langue, Polina Panassenko

Aussi insolent que ce titre polysémique, ce roman est à la fois un hommage à la France, à sa langue, et un cri d’amour à l’URSS et au russe. Le cœur de Polina Panassenko est à la fois ici et là-bas, ici où elle a grandi et là-bas où elle est née, où elle a joué, appris à parler et où sont morts ses grands-parents. Très tendre derrière l’impertinence des métaphores, l’humour joueur de l’autrice, c’est un livre qui dit autant qu’il ne tait. Critique par .

Voyage en territoire inconnu, David Park

Un père part sur les routes pour ramener son fils au bercail, bravant la poudreuse alors que Noël approche. Une couverture blanche recouvre le monde et l’esprit du héros, tourbillon à la fois apaisé et excité par l’albescent. En matérialisant la torpeur qui s’empare des conducteurs, cette concentration solitaire et abstraite à la Terre, David Park donne aussi corps à une histoire familiale complexe, grêlée de secrets qui se révèlent sans se presser, exhumé de la neige des pensées de Tom. Critique par .

Ton absence n’est que ténèbres, Jón Kalman Stefánsson

Ecartelé entre hier, avant-hier et aujourd’hui, rêve, présent étrange et douceur des jours tranquilles mais gelés, ce roman islandais est à l’image de son pays – mystérieux, intimidant, d’une grande beauté. L’auteur se saisit ici de l’âme humaine, des secrets de l’amour et de l’esprit, change notre rapport au temps et à l’autre. Critique par .

La montagne et les pères, Joe Wilkins

Joe Wilkins, après un premier roman plein d’une dure beauté (Ces montagnes à jamais), se penche cette fois sur ses propres racines, sur ces pères qui l’ont guidé et sur l’origine de sa vocation littéraire née de la terre aride du Montana. Il étoile son récit, le fragmente encore et encore, mais ce que le lecteur tient entre ses mains est incroyablement uni et harmonieux, unique. Critique par .

Et puis il y a les découvertes que réservent les piles qui débordent…

Les St Charles, Molly Keane

Ce roman pétri d’ironie mais aussi d’une certaine tendresse raconte les familles irlandaises désargentées du début du siècle dernier, celles où l’argent s’enfuit mais où les parents choisissent de faire comme si. A la fois triste et drôle, Les St. Charles semble être un mélange exquis de l’esprit austenien et wildien. Critique par .

Rosa Candida, Auður Ava Ólafsdóttir

L’Islande nous ravit de ses livres pleins de fantaisie et de justesse. Peut-être l’aridité des climats, la solitaire union des habitants de cette île en font des artistes sensibles à ce qui constitue notre humanité. Père involontaire, le narrateur de Rosa Candida est un botaniste rêveur, amoureux et frère lunaire qui contamine ce livre, objet fantasque, coloré et doux.

De la beauté, Zadie Smith

Multiple, ce roman à la kyrielle de facettes est avant tout une histoire de famille écartelée entre Angleterre et Amérique, entre « Whiteness » et « Blackness », jeunesse incomprise et crise de la cinquantaine. Les héros focalisent tour à tour, ce qui fait de De la beauté un livre adapté à chaque public, fin et encapsulant parfaitement les idiosyncrasies de ses héros, pourtant des personnages à la portée universelle. Critique par .

La vie obstinée, Wallace Stegner

La langue est complexe, alambiquée alors que l’auteur prend plaisir à parodier son narrateur, à moquer gentiment cet intellectuel pessimiste agacé par l’impertinence insistante de la vie. Celle-ci s’accroche au corps de Marianne, s’obstine à faire battre son cœur envers et contre tout, alors que la jeune femme tâche d’ouvrir les yeux du vieil homme à la beauté du flux vital qui coule en chaque chose. Histoire d’amour filial arrivé trop tard, La vie obstinée est aussi un éveil déchirant à l’autre et à la différence. Critique par .

33 réflexions sur “Romans : les coups de cœur 2022

    1. J’en suis ravie si tu trouves de quoi changer un peu d’univers et de quoi enrichir tes envies de lecture ! C’est pareil pour moi avec les tops que je vois fleurir, très différents des miens. De quoi s’ouvrir à d’autres littératures en 2023 !
      Merci beaucoup pour tes vœux : je te souhaite moi aussi une belle année et de jolies pages 🙂

      Aimé par 1 personne

  1. Bonne année, et merci pour cette liste fort inspirante. Je n’ai lu que le Safran Foer (j’avais aimé mais Extrêmement fort et incroyablement près est bien au-dessus, à mon avis, si tu en l’as pas lu, je recommande !) et je viens de découvrir Jón Kalman Stefánsson avec Asta, qui m’a envoûtée..
    Je note Tenir sa langue, à propos duquel j’ai déjà lu beaucoup de bien.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci à toi et tous mes vœux !
      Extrêmement fort et incroyable près est en haut de ma PAL. Je vais tâcher de vite l’en sortir. Je n’ai lu que Ton absence n’est que ténèbres pour le moment mais je compte bien découvrir les autres titres de Stefánsson bien vite, y compris Asta.
      Oui, c’est un beau roman que je te conseille donc !

      J’aime

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