Mercredi, Alfred Gough et Miles Millar

Mercredi – Wednesday en VO Addams est sans doute la plus célèbre des gothiques, enfant fascinée par la mort, le noir et les mystères macabres. Pour Netflix, Alfred Gough et Miles Millar ont imaginé une autre histoire à l’héroïne de Charles Addams, toujours aussi renfrognée et sarcastique, l’ont faite grandir et l’ont envoyée à Nevermore, un pensionnat bien lugubre pour enfants difficiles – ou différents. Loups garous, sirènes et gorgones se côtoient dans cette école d’un autre genre, nichée dans les bois. Aux alentours, des meurtres se produisent, nuit après nuit : un monstre rôde et terrifie Jerricho, le village voisin. Tous les camarades de Mercredi sont suspects, et même les « normies » de Jerricho n’échappent pas à son soupçon. L’adolescente, ici dotée de dons de voyance, enquête, secondée par de fidèles assistants malgré son manque de sociabilité : Chose, une main détachée de son corps d’origine, mais aussi sa colocataire – une louve-garou qui n’a pour l’instant que les griffes (vernies) de son espèce, sans fourrure ni métamorphose angoissante – et le fils du shérif – un serveur épris de la silhouette noire et de la moue boudeuse dont ne se départit jamais Jenna Ortega, l’actrice qui interprète la jeune fille aux passions funestes. Quant aux autres Addams, ils apparaissent et disparaissent du cadre, estompés pour mieux laisser la place à la fille de la famille. Hommage aux films de 1990, Christina Ricci, la Mercredi d’alors, est transformée cette fois en professeure de botanique, amicale et souriante, vêtue de tenues colorées pour mieux contraster avec les uniformes sombres de l’héroïne.

Si le talent de Tim Burton (à l’origine de quatre épisodes sur huit) se devine en filigrane, les décors, les costumes et même l’atmosphère sont bien pâles – encore plus que Mercredi, Latina dans cette version – comparés à ce à quoi le réalisateur de Charlie et la Chocolaterie, d’Alice au Pays des Merveilles, ou encore d’Edward aux mains d’argent nous avait habitués. Il ne peut pas compter ici sur le talent de Johnny Depp – les acteurs jouent leur rôle sans fausse note, suivant les variations de registre et de genre induites par le scénario, entre ironie, humour noir et horreur gentillette, mais n’ont pas les capacités polymorphes de ce héros de la transfiguration. Quant au mouvement gothique dont Burton est emblématique, il est ici bien représenté mais semble édulcoré pour se plier aux goûts des jeunes adolescents. En outre, les messages portés par cette série sont ceux d’une œuvre Young Adult – solidarité, courage, tolérance, amour triomphant de la noirceur – centrée sur un personnage qui fait figure de laissée pour compte, de bannie volontaire finalement bien entourée. Les citations extra et intra-filmiques offrent un autre niveau de visionnage mais échouent à faire de Mercredi davantage qu’une simple série joyeusement grinçante, sorte de pastiche/postiche entre Harry Potter et un teen movie divertissant.

D’après Charles Addams
De : Alfred Gough, Miles Millar
Avec : Jenna Ortega, Gwendoline Christie, Emma Myers, Hunter Doohan, Percy Hynes-White
Année : 2022
Nombre d’épisodes : 8
Durée moyenne : 45 minutes
A voir sur Netflix

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4 réflexions sur “Mercredi, Alfred Gough et Miles Millar

  1. Maximelefoudulivre

    Hello Cécile,
    Merci pour la critique.
    Je ne suis pas tout à fait d’accord car je trouve que la série propose du relief. Les décors sont sympas et l’actrice qui joue Wednesday est géniale. Je reconnais quelques éléments de Tim Burdon ( l’humour, les couleurs, les dialogues, la gestuelle des personnages…). L’intrigue ne casse pas trois pattes à un canard je te l’accorde mais ce que j’aime c’est vraiment le rythme, l’art de la répartie, des dialogues courts et francs.
    Je regarderai la seconde saison 🙂
    Bonne journée

    Aimé par 2 personnes

  2. Pour le moment, je n’ai vu que les deux premiers épisodes. ça reste du Tim Burton avec un côté humoristique plutôt sympa. L’actrice jouant wednesday est formidable. Cette série est très young adult c’est vrai, la preuve en est qu’elle est devenue la série Netflix la plus regardé de son histoire devant Sranger things 4. Ce n’est pas un mince exploit. Le catalogue Netflix est constitué essentiellement de séries ou films pour teenagers. C’est leur cœur de cible. Je crois que Tim Burton n’a plus la flamme des débuts, ni l’inspiration. Son « Dumbo » m’avais énormément déçu. Burton et Depp c’étaient quelque chose. J’espère qu’ils retravailleront un jour ensemble. « Dark shadows » était très sympa d’ailleurs. Quand j’aurais fini cette série, nous en reparlerons tous les deux. Passe une belle semaine Cécile ! 😊

    Aimé par 1 personne

    1. Je ne me souvenais plus que c’était lui qui avait fait Dumbo… je me rappelle surtout l’atmosphère et les décors que j’avais trouvés très réussis, mais le scénario était un peu plat, c’est vrai – l’adaptation manquait de panache.
      Ici, c’est parfois savoureux mais je trouve là encore que l’ensemble manque de relief et que la série tombe trop facilement dans les codes de ces productions pour adolescents alors qu’il n’aurait pas fallu grand chose pour justement les détourner, un peu dans la veine sarcastique de Wednesday.
      Belle fin de semaine et au plaisir d’en discuter 😉

      J’aime

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