Falcon Lake, Charlotte Le Bon

Double récit d’apprentissage, Falcon Lake met en scène un duo d’acteurs attachants, séparés par plus de deux années. Chloé, 16 ans, habite un chalet dans la forêt québécoise, au bord d’un lac niché au cœur des pins. Une amie de sa mère accompagnée de sa famille française viennent y passer des vacances moites et ensoleillées. Leur aîné, Bastien, se met bientôt à suivre Chloé comme son ombre tandis que celle-ci le prend sous son aile. L’adolescente est souvent filmée en contrejour, sa silhouette changeante ainsi soulignée par la lumière chaude de la nuit naissante. Elle sent la présence diffuse d’un fantôme qui rôde à la surface de Falcon Lake, gentiment moquée par ses amis masculins. Elle-même en joue un peu, mythomane, jeune fille se voulant mystérieuse, voire inquiétante, ou medium à la sensibilité accrue. Elle taquine Bastien qui a peur de l’eau, lui raconte des histoires qu’on pense sorties de son esprit. Ainsi, ces spectres mentionnés dan le synopsis sont majoritairement ceux des ouï-dire, là comme des fantômes autour d’un feu de camp, peuplant la nuit des enfants qui s’amusent à se faire peur.

Charlotte Le Bon, dans ce premier long-métrage adapté du roman graphique Une sœur de Bastien Vivès – un auteur de plus en plus controversé –, filme les premières amours, les éveils des corps qui se métamorphosent doucement et dont les mutations occupent toutes les pensées. Ses deux héros sont touchants dans leur maladresse, dans leur fausse assurance. L’eau noire miroite sous le soleil ou sous la lune alors que la caméra fixe sur la rétine les deux jeunes silhouettes qui se tournent autour, toute gêne ou tout malentendu dissipés par des réparties badines avant de revenir nouer les gorges. Sous le voile fantastique, discret, si fin et léger que sa présence est presque sans cesse remise en doute, la primo-réalisatrice oscille entre poésie de la lumière, sublime sibyllin des bois, humour soulignant l’absurde des rites de passage adolescents, et romance qui ne s’avoue pas complètement. C’est là, sans doute, l’une des forces de Falcon Lake, lauréat du prix Louis Delluc 2022. Au-delà des cadrages minutieux, de la beauté pure de certains plans – eau scintillante à la tombée du jour, étincelles d’un feu de camp –, ce récit d’apprentissage est aussi frêle, délicat, que ne le sont les ambitions, les certitudes à cet âge charnière. C’est un film flottant entre deux eaux, lent, qui laisse une atmosphère à la fois paisible et pesante se distiller doucement dans ses plans, assombrir la clarté, griser les nuages et bercer les pins sous un vent à peine perceptible. Du plan d’eau stagnante monte un mystère, un malaise, aussi insaisissable que la brume matinale qui masque la surface, ses nappes tantôt épaissies par ces histoires inquiétantes, tantôt dissipées par l’ambiance du plein été, saison de tous les possibles…

Ce film a été vu en avant-première au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022.

De : Charlotte Le Bon
Avec : Joseph Engel, Sara Montpetit, Monia Chokri
Genre : Comédie dramatique / romance / fantastique
Durée : 1h40
En salles le 7 décembre 2022

Ils/elles en parlent aussi : Au ciné ce soir. Dois-je le voir ?. Travellingue. Les chroniques de Cliffhanger et Co. So French (pour les plus anglophones d’entre vous). Lilylit

10 réflexions sur “Falcon Lake, Charlotte Le Bon

  1. « assombrir la clarté, griser les nuages et bercer les pins sous un vent à peine perceptible. » voilà qui augure de bien beaux climats entretenus par une ancienne miss météo passée derrière la caméra.
    Cette chaleureuse chronique invite en tout cas à se laisser bercer par le capot de « Falcon Lake ».

    Aimé par 1 personne

  2. Maximelefoudulivre

    Hello,
    J’ai également eu la chance de voir ce film en avance et je n’ai pas été déçu.
    Une mystérieuse histoire, une maison de campagne, des amis, la famille, les vacances.. tous les ingrédients sont la pour embarquer le spectateur dans un film dans on peut se reconnait parfois.
    C’est bien tourné avec des plans ni trop rapides ni trop lents. Ca nous laisse le temps de nous attacher aux décors, aux personnages, à l’idylle naissance.
    L’humour est bien présent.
    J’ai bien aimé 🙂
    Au plaisir,

    Aimé par 3 personnes

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