Qui sait, Pauline Delabroy-Allard

Dans Tenir sa langue, Polina Panassenko poursuivait les sonorités russes de son nom de baptême. Pauline Delabroy-Allard, elle, part sur les traces de ses trois prénoms mystères, ceux qui l’accompagnent depuis sa naissance sans qu’elle ne les connaisse, ni eux ni ceux qui les ont portés, qui les lui ont transmis. Elle se demande qui sait quoi que ce soit à leur sujet, mais aussi de qui il s’agit – qui c’est, et qui elle est. Elle s’interroge en suivant le cheminement suggéré par les trois questions essentielles de la philosophie kantienne qu’elle a étudiée, un prénom après l’autre, en trois parties. Ce rythme ternaire fait de Qui sait un livre triple, uni mais multiple. Après la quête familiale, l’enquête minutieuse et désordonnée, de loin, en terre parisienne, sur les traces d’une aïeule, voici venu le temps de l’aventure en solitaire en Tunisie, dans les rues blanches aux portes bleues, blanc lumineux en rien similaire au blanc de ce jour d’hiver qui rendit muette notre autrice-narratrice. Enfin, Paul Claudel et son Partage de midi inspirent le troisième chapitre, insufflent de la vie dans un corps vidé, dans un cœur épuisé réfugié dans la Maison Tanière. Ils redonnent sens à une existence minée par un drame intime, celui de l’inertie à la place des palpitations de la vie. Si douée dans l’écriture de l’amour passionné, de l’amour-douleur, comme elle l’a déjà démontré dans Ça raconte Sarah, l’autrice réinvente alors la tragédie d’Ysé, de ses trois hommes sous le rouge soleil asiatique, entremêle son destin et celui de cette femme qui lui a donné son quatrième prénom, rebondit de détails en détails, eau qui dévale une paroi rocheuse, bondit de pierre en pierre pour les unir.

Pauline Delabroy-Allard regrette ne pas savoir inventer, être obligée d’accoucher dans la souffrance d’un livre fait de ses fantômes, de ses douleurs, des silences. Pourtant, c’est cette intimité pudique mais aussi vraie parce que sans non-dits, comme prenant le contre-pied de son enfance, de son adolescence, qui séduit, qui a le ton juste, sur le fil entre émotion et humour, vertige et grâce.

Merci à Lireka pour ce beau partenariat.

Pauline Delabroy-Allard – Qui sait
Gallimard
18 août 2022 (rentrée littéraire d’automne 2022)
208 pages
19,50 euros

Ils/elles en parlent aussi : Lili au fil des pages. Baz’art. Lilylit. La bibliothèque Roz. Sonia boulimique des livres

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s