M invite L à séjourner dans la dépendance qu’elle a aménagée avec son époux, Tony. Une exposition du peintre l’a beaucoup marquée alors qu’elle habitait à Paris et elle est restée comme obsédée par l’homme autant que par l’artiste, en venant à le contacter et à lui faire cette proposition. Accompagné de Brett, une jeune amie séduisante, il arrive finalement dans les marais où vivent M et Tony. Entre temps, Justine, la fille de M, ainsi que Kurt, son petit-ami, ont rejoint la maison principale, devenue une sorte de microcosme isolé du monde où se confrontent des personnalités diverses et des traumatismes qui le sont tout autant.
Les rapports humains sont ainsi au cœur de La dépendance, narré à la première personne, telle une sorte de lettre adressée à un homme dont rien ne sera dit. Huis-clos en pleine nature, battu par le vent de la côte et l’air salé, âcre des marais – un décor envoûtant et cinématographique –, ce roman met mal à l’aise. Une femme ouvre son esprit tordu, son cœur meurtri et déverse ses considérations sur la page, entre psychologie et philosophie. Elle s’interroge sur l’identité, sur les différentes facettes qui constituent un être, sur la liberté et la dépendance – ce terme étant donc au cœur du livre, quel que soit la lumière sous laquelle il est examiné. Il s’agit en réalité d’un hommage à Mabel Dodge Luhan qui raconta dans ses mémoires le séjour de D. H. Lawrence chez elle, au Mexique – les mots deviennent ici de l’aquarelle, mais les deux hommes, au-delà des initiales semblables, partagent le même caractère dictatorial.
Les phrases de Rachel Cusk sont longues, alambiquées, et souvent vaines. Son héroïne se débat avec son histoire, son mal-être, la folie de ceux qui l’entourent, sans que rien ne ressorte de ces tentatives de s’auto-psychanalyser. Traumatisée par divers événements passés, elle lutte également pour retrouver une féminité apaisée, elle qui ne considère pas vraiment femme tout en se jugeant incapable de liberté précisément à cause de son sexe. Ses rapports complexes à la maternité sont évoqués, sans doute les passages les plus pertinents et les plus touchants de La dépendance. Rachel Cusk se penche enfin et surtout sur la considération de la vie par un artiste, sur la corrélation entre malaise, différence, et processus créatif.
Ce roman, finaliste du Man Booker Prize 2021, est le lauréat du Prix Fémina étranger 2022.
Merci à Lireka pour ce partenariat.
Rachel Cusk – La dépendance
[Second Place – traduit par Blandine Longre]
Gallimard
25 août 2022 (rentrée littéraire d’automne 2022)
208 pages
20 euros
Ils/elles en parlent aussi : Mes p’tits lus
Il me tentait mais il me semble un peu particulier.
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Oui, et je suis surprise d’avoir vu tant de bonnes critiques. J’ai eu du mal, tant avec les héros qu’avec la plume, aussi torturée qu’eux.
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Je me souviens avoir beaucoup peiné à lire un autre titre de cette autrice Arlington Park. Une histoire de mal être également, plusieurs femmes de la classe moyenne qui se débattent avec elles mêmes … Poisseux !
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même ressenti !
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Le terme est approprié.. je ne pense pas me refrotter à Rachel Cusk en tout cas, même si nous ne sommes pas à l’abri d’une exception !
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Analyse intéressante et nourrie, merci 🙂
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Merci à toi. D’autres sont plus charmés… mais je n’y ai pas trouvé mon compte 😉
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J’avais essayé un autre roman d’elle, qui m’est tombé des mains.
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Vu ce que je lis, ça ne m’étonne pas…
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Je passe…
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C’est ce que je te conseille…
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