Écrit dix-huit ans après le quatrième tome de la saga des Cazalet, La fin d’une ère marque un tournant, clôt un chapitre et crée une sorte de deuil dans le cœur des lecteurs. La vie de cette famille se poursuivra sans eux et sans certains personnages, abandonnés en chemin et dont il faudra malgré tout se souvenir pour ne pas les laisser s’effacer entièrement.
Elizabeth Jane Howard, quatre-vingt-dix ans à l’écriture de ce dernier livre, reprend toutes ces petites histoires après une ellipse d’une dizaine d’années, retrouvant des hommes et des femmes mariés pour la plupart, bientôt désargentés, chagrinés par les diverses pertes qui jalonnent ce cinquième volume et forcent peu à peu chacun à quitter les Cazalet, parfois par la force. Se sent une tristesse latente qui gondole les pages, liée à la mort, aux billets qui disparaissent, mélancolie qui n’est pas sans rappeler celle des St Charles de Molly Keane.
Celles qui étaient encore enfants dans Étés anglais sont désormais mères de bambins de huit ou neuf ans qu’il faut prendre le temps de connaître, d’apprivoiser peu à peu et d’extraire de ce tourbillon de cris et de noms – ils sont nés et grandiront loin des regards, se contentant de fêter deux anniversaires dans La fin d’une ère.
Elizabeth Jane Howard délaisse certaines vies pour se concentrer sur d’autres, évoquant à peine Polly et Zoë pour notamment davantage s’attarder sur Clary, les trois cousins ou encore Rachel, bien plus présents que dans les opus précédents. L’autrice peine peut-être à clore certaines existences, à réembrasser les perspectives d’héroïnes oubliées depuis presque deux décennies, et le roman dans son ensemble est de fait moins harmonieux, moins équilibré que d’autres. Elizabeth Jane Howard accélère par ailleurs le tempo, volète plus volontiers d’un esprit à l’autre – là où chaque chapitre faisait auparavant la part belle à un protagoniste, ils sont ici généralement assemblés par paires, leurs pensées se répondant dans une sorte de dialogue silencieux orchestré pour le seul plaisir du lecteur.
Paré des couleurs d’automne, La fin d’une ère est ainsi synonyme d’adieux, fait d’une sorte de mort lente et inéluctable symbolisée par cette saison couleur rouille où chutent les feuilles, moutonnent les nuages gris, tombe la pluie qui laisse une odeur de pétrichor dans l’air. Malgré tout, ce dernier tome s’achève sur une note réconfortante qui adoucit l’amertume, sur un Noël fédérateur et chaleureux dans cette maison-refuge blottie au cœur de la campagne anglaise enneigée.
L’autrice mentionne plus souvent ici qu’ailleurs des femmes de lettres chères à son cœur et dont l’ombre plane au-dessus de cette saga, des livres de Jane Austen et de Katherine Mansfield apparaissant entre les mains de plusieurs des Cazalet et de leur entourage, peut-être comme une façon pour Elizabeth Jane Howard de saluer, de dire au revoir. Bientôt, elle aussi sera évoquée ici ou là dans des œuvres britanniques à savourer au coin du feu, mélancoliques aussi parce que dures à quitter.
Un grand merci aux éditions de La Table Ronde qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.
Elizabeth Jane Howard – La fin d’une ère
[All Change – traduit par Cécile Arnaud]
La Table Ronde
6 octobre 2022 (rentrée littéraire d’automne 2022)
560 pages
24 euros
Ils/elles en parlent aussi : June & cie. Livr’escapade. La viduité. D’autres vies que la mienne. Books, moods and more
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Oh super !! J’avais adoré les 4 précédents…
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Alors tu seras sûrement aussi triste que moi de quitter les Cazalet…
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Je vais attaquer le troisième tome et j’ai hâte de retrouver cette famille attachante.
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Oh oui, profite des longues pages qu’il te reste !
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J’ai reçu le premier tome à mon anniversaire l’année dernière – il y a donc presque un an. Je n’ai pas encore commencé mais j’ai adoré l’adaptation radio de la BBC.
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Ah je ne savais pas qu’il y avait eu une adaptation radio de la BBC ! Je vais tâcher de trouver ça. Régale-toi en tout cas, tu verras, cette saga est une source de réconfort malgré sa pertinence et ses sujets de fond.
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J’attends de les avoir tous pour lire cette histoire 😉 merci pour cette recension.
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Bonne lecture !
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