Peine des faunes, Annie Lulu

Annie Lulu rend hommage à ces femmes mariées puis brutalisées, dociles par obligation, par tradition, dociles jusqu’à ne plus avoir aucune autre option. À la manière de Djaïli Amadou Amal dans Les impatientes, mais sans sa froideur, elle crée des héroïnes fortes qui camouflent leur éclat sous une apparente faiblesse, jusqu’à finalement faire resplendir leur farouche détermination. Son récit part d’Arusha, en Tanzanie, ses héroïnes prises dans un écrin de verdure, entre flore et faune. Margaret, la fille aînée de la famille, est promise à un homme mais son père l’offre à un autre par cupidité, premier outrage d’un mariage qui ne devait pas avoir lieu. Les reflets violets de la peau noire de Maggie deviennent bleus, bleu hématome, puis la famille part en Angleterre, comme si les frontières pouvaient apaiser les mœurs.

Ensuite la France, puis l’Écosse, le spectre des croyances tanzaniennes de la grand-mère bientôt arrière-grand-mère planant toujours sur cette lignée maudite, évoquée avec une sorte de poésie prophétique et hallucinée, née sous l’influence d’Emily Dickinson. L’autrice fait de cette famille un foyer enfin matriarcal, qui place les mères au-dessus de toutes choses, mères humaines et mères animales puisque bientôt n’existent plus de différence entre les espèces. Peu à peu, Annie Lulu entremêle féminisme poignant et écologie absurde, faisant du dernier tiers de Peine des faunes une sorte de caricature de dystopie environnementaliste. Elle défend les animaux, les bêtes qu’elle nomme « les faunes », les assimile aux hommes, faisant des carnivores des tueurs, au même titre que les coupables de féminicides. Ses rapprochements éco-féministes choquent, ce qui est sans doute son but. Les parallèles semblent trop rapides, venant balayer cent cinquante pages de finesse, de psychologie et de religion soigneusement pensées, créés. De ses protagonistes émanent une lumière presque divine, une vitalité chatoyante qu’un basculement dans une contre-utopie sommairement établie et radicale vient presque faire oublier.

Merci aux éditions Julliard et à NetGalley pour cette lecture.

Annie Lulu – Peine des faunes
Julliard
25 août 2022 (rentrée littéraire d’automne 2022)
320 pages
21 euros

Ils/elles en parlent aussi : Lili au fil des pages

Une réflexion sur “Peine des faunes, Annie Lulu

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