Joe Wilkins se raconte dans un récit intime et beau, intimement beau. Il raconte la montagne et les pères, son héritage, la terre ondulée et sèche, trop sèche du Big Dry, les silhouettes masculines qui l’ont épaulé pendant son enfance, après la mort de son père. Il raconte ses jeunes années puis son adolescence dans un ranch du Montana, dans l’ombre des Bull Mountains qui baignait déjà Ces montagnes à jamais, son premier roman, chaîne qui se devine aussi à l’horizon dans August de Callan Wink. Il évoque les fantasmes de sa mère avant qu’elle ne le devienne, sa rencontre avec son père, l’idylle, l’amour, toujours, la mort, trop jeune, la pauvreté.
Par éclats, il se livre et livre les siens, leur histoire, il cherche ses souvenirs, entre bêtises de garçons, travail honnête de lycéen rêveur, beuverie dangereuse, entre piliers de bar, rencontres marquantes trop vite dissipées par le vent brûlant et fermiers à bout de souffle. Au-delà de sa propre jeunesse, de l’ombre de son père qui s’efface trop vite, ce sont aussi ces étendues arides qu’il dit, qu’il écrit, ces hommes et ces femmes qui se battent pour y vivre, pour apprivoiser une terre qui ne veut pas l’être, qui ne veut pas d’eux. Il parle d’eux avec beaucoup plus de douceur, d’indulgence, que dans son premier roman, de manière apaisée – il ne se sent pas digne de cette terre, alors il l’écrit, elle et les gens qui tâchent de faire corps avec elle, avec beaucoup d’amour et de respect.
À chaque nouvelle bribe, réapparaît une certaine résistance, celle-là même qui se ressent à l’entrée dans un livre – et pourtant, ici, elle est plaisante, presque autant que la fraîcheur de l’eau d’un lac qui permet d’échapper à un air trop lourd, trop chaud.
Poète avant d’être romancier, Joe Wilkins a une plume à la fois sèche et vaporeuse. Ses métaphores rendent l’eau, la poussière, le feu, vivants, au même titre que les êtres humains. Illuminé d’une poésie âpre qui n’en est que d’autant plus remarquable, La montagne et les pères est un vibrant hommage à cet État américain inhospitalier, à ses habitants revêches, farouches, à ceux qui nous ont précédés, et à l’enfance, innocente un temps au moins, où qu’elle se déroule.
Merci aux éditions Gallmeister pour cette lecture, un coup de cœur.
Joe Wilkins – La montagne et les pères
[The Mountain and the Fathers – traduit par Laura Derajinski]
Gallmeister
18 août 2022 (rentrée littéraire d’automne 2022)
288 pages
23,40 euros
Ils/elles en parlent aussi : Ma collection de livres
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J’ai laissé un message en septembre et je ne l’ai toujours pas lu alors qu’il est dans ma PAL des romans à découvrir absolument… quand je te dis que je suis en retard dans mes lectures 😉 Merci Cécile 😊
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Nous sommes tous dans le même cas je crois… et ce n’est pas la rentrée de janvier qui va nous aider ! Dis toi que ça te fait une belle lecture de plus en perspective 😉
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Super article j’adore le mood, merci pour la découverte 😀 hésites pas à venir sur mon blog dephaistos.com et à t’abonner si ça te plaît 😉
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Une chronique magnifique de ta part Cécile. Si ce roman est dans la lignée du Callan Wink « August », je risque d’aimer. La couverture est sublime ! 😊
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Merci beaucoup !
La chronologie est éclatée, ce sont des bribes de sa vie que nous confie Joe Wilkins, mais on peut effectivement faire le parallèle avec August. C’est un livre superbe, très touchant, que je te conseille vivement. Un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire 😉
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Je l’ai acheté en ebook. Comme c’est pour toi un coup de cœur de cette rentrée littéraire, je te fais amplement confiance. Retour prochainement 😊😉
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Oh j’en suis ravie et touchée ! J’espère qu’il te touchera autant que moi 😊
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Je te dirais ça sans faute Cécile 😊
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Bonne lecture 😉
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Merci pour cette jolie chronique, elle-même pleine de poésie !
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Merci à toi !
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Quelle chronique ! Merci car je ne connais pas cet auteur, en revanche je suis passionnée par les grands espaces inhospitaliers Américains. Merci vraiment.
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Merci à toi pour ce beau commentaire qui me touche ! Je te le conseille vivement en tout cas.
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