Dans ce roman, Xinran rend hommage à un amour céleste qui va au-delà des frontières, qui traverse les années, les contrées lointaines et unit le ciel et la terre. L’autrice chinoise – qui vit à Londres et écrit en anglais – relate l’histoire d’une femme qu’elle rencontra des années plus tôt et qui la toucha particulièrement. Elle signe ainsi un livre sur elle et sur sa quête, s’excusant d’avance des possibles inexactitudes de son récit – elle ne revit jamais celle qui est ici sa focalisatrice.
Wen était mariée depuis trois mois à Kejun quand l’Armée populaire de libération l’informa que son époux était mort au Tibet, fauché par la guerre – en tout cas disparu. La jeune femme, médecin d’à peine vingt-cinq ans, s’engagea alors et partit de Nankin, sa ville chinoise natale, pour le pays du Dalaï-lama, persuadée qu’elle parviendrait à retrouver Kejun au côté des soldats. Après le dur quotidien au sein de l’armée, c’est chez une famille tibétaine nomade qu’évolue Wen, sans repères et incapable de comprendre ses hôtes ou leurs coutumes. Xinran raconte la confrontation de deux conceptions de la vie, le choc de deux cultures à une époque où la Chine était sûre de son destin et de sa légitimité – 1958 et l’ascension soudaine, fulgurante de Mao, avant la famine et la Révolution Culturelle dont Wen n’entend même pas parler, perdue sur ces hauts plateaux désertiques surplombés de sommets sacrés. Le temps y est lent, entre drapeaux de prières et yacks laineux, le silence pour religion, comme lien aux divinités. Cependant, la chronologie est ici accélérée, l’engourdissement des jours ne se faisant ressentir que par les phrases courtes et épurées de l’autrice, par l’action ralentie et l’importance de la spiritualité décrite néanmoins avec beaucoup de prosaïsme.
Xinran offre ainsi une plongée au cœur de la culture tibétaine, des rites méconnus de ce peuple, de ses croyances et de sa chaleureuse bienveillance, aux antipodes de la rudesse des montagnes de pierre où ils vivent. Ceci dit, la postface nuance son objectivité, soulignant que ce récit laisse involontairement transparaître la condescendance chinoise envers les Tibétains et envers ces nomades chez qui Wen trouve refuge.
L’autrice donne chair à des hommes et à des femmes aux existences malheureuses mais au sourire patient, modestes mais farouches. Pourtant, sa prose est concise, presque journalistique dans sa précision et son apparente pudeur. De fait, ses héros restent des étrangers au lecteur, malgré leur quête, leur humilité, l’absolue pureté de leur désir. En dépit de certains défauts, Funérailles célestes est ainsi un livre simple et sincère qui permet peut-être de mieux comprendre les Tibétains ainsi que les liens compliqués qui unissent ce pays toujours oppressé aujourd’hui à son oppresseur.
Xinran – Funérailles célestes
[Sky Burial – traduit de l’anglais par Maïa Bhârathî]
Picquier
Janvier 2012
224 pages
8 euros
Merci aux Petites lectures de Maud qui m’ont permis de découvrir ce titre !
Ils/elles en parlent aussi : Textualités. Les mots de Mahault. Corall and Meana. Nos expériences autour des livres. Encres et Calames
J’ai lu ce magnifique roman il y a quelques années. Je m’étais dit que je lirais ses autres romans et je ne l’ai pas fait. Merci donc pour le rappel !
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Avec plaisir ! Je surveillerai ton blog pour voir par lequel poursuivre (ou non).
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Roman magnifique, maintes fois offert, merci pour ce rappel !
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Oui c’est un beau livre, plein de pureté.
Merci à toi de ce passage !
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je l’ai lu aussi il y a qq temps mais très bon souvenir
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C’est très différent de ce qu’on peut lire par ailleurs en plus.
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Rour ce que cette auteurer a écrit est bouleversant
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Je ne la connaissais pas mais je serais curieuse de lire d’autres de ses titres. Merci de cette information !
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ce roman est encore très présent dans ma mémoire, quelques années après…
la cause tibétaine est chère à mon cœur…
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Je comprends, cette plongée dans les hauts plateaux est touchante et dépaysante. J’ai peut-être regretté que les personnages ne nous deviennent pas plus familiers mais c’est aussi sans doute à cause de la brièveté du roman et du côté prosaïque et journalistique de la plume.
Et au mien ! Je crois qu’un livre qui a eu d’excellents échos outre Atlantique vient de paraître chez Albin Michel, collection Terres d’Amérique.
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