Joe, le narrateur de La vie obstinée, est un vieil homme têtu, obtus, parfois raciste, souhaitant s’abstraire du monde dans un refuge, dans un écrin d’acacias et de cerisiers baignés par l’or du soir californien. Dès les premières pages, il tâche d’être oublieux du malheur qui l’a frappé plusieurs mois plus tôt – séparer le bon du mauvais, le bien du mal en apaisant ses pensées – grâce au jardinage, à ses plantes qu’il bichonne amoureusement, tout comme il s’y efforcera à la fin du livre, même moment entrecoupé de trois cents pages de réminiscences douloureuses. Il se souvient des Caitlin, Marian, John et Debby, une petite famille charmante qui a ouvert son esprit si clos et son cœur si entêté. Marian et son amour pour l’existence, pour chaque petit animal, fut-il nuisible ou non aux plantations de Joe, Marian et ses sourires si purs, ont éclairé le quotidien du narrateur et de sa femme, Ruth, d’une lumière claire et ambrée, ruisselante. La jeune femme leur a permis de redevenir parents quelques temps, de pouvoir prendre soin d’une famille qu’ils finirent par considérer leur.
Les pertes ont marqué la vie de Joe d’une cicatrice indélébile, chaque fois rouverte plus profondément encore, mais certains deuils ne peuvent effacer la beauté de la présence de ceux qui ne sont plus. En se rappelant ces mois des années 1960 passés dans cette verdure californienne, à discourir avec Marian, à s’agacer de Peck, un squatteur hippie aux frasques déroutantes, le héros convient que le mal n’est pas toujours distinct du bien, que l’un ne va pas toujours sans l’autre – c’est même souvent l’inverse. La vie obstinée est ainsi mâtiné d’une amertume souvent cynique, finalement déchirante malgré une scène que l’auteur aurait pu s’épargner.
Dans ce roman datant de 1967, Wallace Stegner donne vie à des personnages infiniment touchants, que ce soit par leur opiniâtreté bourrue ou par leur joie et leur optimisme sans faille. Il s’appesantit sur le quotidien banal, les échanges entre voisins, les ressentiments et les moments sans prix, sa plume alambiquée, presque lyrique, mais si belle forçant le lecteur à savourer chacun de ces instants, à saluer la vie obstinée face à la mort.
Merci aux éditions Gallmeister qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.
Wallace Stegner – La vie obstinée
[All The Little Live Things – Eric Chédaille]
Gallmeister
5 mai 2022 (date de publication originale : 1967)
448 pages
11,80 euros
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Très très envie de le lire celui-ci ! J’y viendrai tôt ou tard. 🙂
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Je crois que tu as lu et aimé d’autres titres de Stegner en plus, non ? 🙂
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Pas encore mais j’espère bientôt 😉
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Ah, j’espère aussi ☺
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Un beau retour de ta part Cécile. Je ne connaissais pas ce roman Gallmeister de 1967. Heureux de te retrouver. Je te souhaite une excellente soirée Cécile 😊
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De même, tes commentaires (et tes critiques) m’avaient manqué ! J’espère que tout va bien.
Un coup de cœur pour cette lecture qui s’annonçait pourtant obtuse… comme quoi 🙂
Belle journée !
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J’ai eu une coupure internet d’une semaine, merci Orange 😉 ainsi qu’un coup de fatigue mais aujourd’hui s’est passé. Je te souhaite une belle journée Cécile, @très vite 😊✨
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Ah je comprends mieux… bon, espérons que tu nous reviennes en pleine forme alors 🙂
Belle journée à toi Fred et à très vite !
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Merci Cécile 🙏
J’ai vraiment très envie de découvrir ce livre, ses personnages touchants.
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Merci à toi ! Il faut s’accrocher au début tant la plume est imperméable mais une fois habituée au style de l’auteur… superbe !
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