Gema, bien davantage qu’un roman, est avant tout une quête mémorielle, certes à mille lieues de Memorial Drive de Nathasha Tretheway – mais il ne s’agit pas ici des souvenirs d’une fille vibrant encore de la présence de sa mère assassinée.
Milena Busquets, l’autrice et narratrice de ce récit, revit des bribes de son adolescence qui se mêlent à son présent, décidée qu’elle est à se rappeler Gema, une amie morte à quinze ans d’une leucémie. En parallèle, elle relate ses journées de traductrice procrastinant, de mère débordant d’amour pour ses fils en plein âge ingrat, d’amie infidèle tant les obligations la font rechigner, d’amante lassée. Ses journées sont désormais hantées par Gema. Sur ses traces, Milena Busquets recroise des connaissances perdues de vue, retourne après des décennies dans le lycée français de Barcelone où toutes deux ont étudié, joue avec sa mémoire qui la trahit. Du point de départ de cette enquête, du désir-même de l’entreprendre, rien n’en sera dit. L’autrice préfère s’étendre sur le désarroi provoqué par la fuite des souvenirs, sur les indécisions de la vie, sur les déceptions que nous sommes pour nous-mêmes.
Malgré le sujet de ce livre, plane au-dessus de ses pages une brume pétillante et légère, teintée de dérision. Le regard que porte Milena Busquets sur l’existence, la mort et l’humanité est un brin narquois mais toujours très réaliste. C’est donc en cela que réside l’intérêt de ce petit livre où, pourtant, il ne se passe que peu de choses – quotidien ensoleillé et alangui d’une Espagnole lettrée, imprégné de cette même nonchalance nostalgique que le film Eva en août.
Milena Busquets – Gema
[Gema – traduit de l’espagnol par Robert Amutio]
Gallimard
6 mai 2021
144 pages
14,50 euros
Ils/elles en parlent aussi : Shangols. La viduité
Merci Cécile, cette histoire a tout pour me plaire !
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Je m’attendais à autre chose… et à être plus touchée. Mais tant mieux si ça te tente 🙂
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