Ayad Akhtar signe un livre hybride, d’une richesse étourdissante et émouvante sur sa terre natale – les États-Unis. Ses parents arrivèrent du Pakistan à la fin de leurs études de médecine, emportant avec eux une nostalgie toujours latente malgré l’enthousiasme presque forcé à vivre dans le pays du rêve. Ayad grandit bercé par les grands auteurs américains, par les effluves des plats penjabis cuisinés par sa mère et par les vacances passées chez sa famille restée au Pakistan. Son identité se façonne peu à peu, modelée par ses lectures, ses rencontres, par l’Histoire américaine et par les attitudes de ses parents, Il porte aujourd’hui un regard sans fard, acéré mais désabusé, sur l’Islam, sur ce que sont devenus les États-Unis et l’âme américaine. À travers des bribes d’une grande précision, il s’attarde sur son existence d’individu à la peau brune au lendemain du 11-Septembre, digresse pour aborder le lent abandon de la plus grande démocratie du monde au capitalisme, à la dictature du dollar, puis divague vers les opinions extrêmes de certains musulmans et de celles de certains Américains qu’il confronte et désamorce. Il contredit ce qu’il présente comme le « syllogisme social » à l’origine de la pensée états-unienne actuelle : soit nous sommes du côté des victimes, soit nous sommes contre elles ; les musulmans sont des victimes ; soit nous sommes de leur côté, soit nous sommes contre eux. Lui ne se place ni d’un côté ni de l’autre, mais reste résolument ancré sur la ligne médiane, oscillant au gré des pages sans se laisser désarçonner par les critiques qui viennent des deux bords, dérivant d’un thème à l’autre pourtant tous interdépendants.
Ayad Akhtar, lauréat du prix Pulitzer d’art dramatique 2013, aborde avec finesse et lucidité des sujets complexes, tant sociétaux, religieux que politiques et économiques. Il entremêle ainsi le récit des semaines précédant la mort de sa mère, l’addiction de son père, cardiologue renommé, l’admiration inexplicable de ce dernier pour Trump, l’exposé de certains différends économico-politico-religieux l’opposant à ses proches, avec, en toile de fond, ses propres cheminements dans ce grand pays, d’histoires de cœur en coucheries, de premières en hôtels.
Présenté comme un roman, Terre natale ne l’est pas vraiment. Décousu, il semble bien davantage être un recueil de pensées et de réflexions très fines et poussées, évoquant brillamment et de façon croisée la famille, le deuil, le racisme, l’identité et la religion – tant l’Islam que l’American civil religion.
Merci aux éditions Fayard et à NetGalley pour cette lecture.
Ayad Akhtar – Terre natale
[Homeland Elegies – traduit par Anne Rabinovitch]
Fayard
30 mars 2022
400 pages
22,90 euros
Ce qui retient mon attention c’est Sur le rêve de Freud 😉 « L’interprétation des rêves est la voie royale qui mène à la connaissance de l’inconscient » (L’interprétation des rêves Freud):-) Je crois que Barak Obama a bcp aimé Terre natale. Les thèmes m’intéressent, je vais peut être le lire .
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C’est un thème qui revient dans ce livre, comme une constante discrète entre autres sujets rémanents, moins « triviaux ».
Oui, je te le confirme ! Et je te conseille moi aussi (même si je n’ai pas la prétention de me comparer à Barack Obama) Terre natale qui propose une approche croisée très riche et originale des États-Unis et de l’Islam. C’est un livre qui fait réfléchir et qui mêle intelligemment (quoique de manière décousue) vie individuelle et destin d’une nation.
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le thème plaît mais je redoute le côté mélange des genres et j’ai un mal fou à avancer dans un « roman » du même « genre » : « Le retournement » de Manuel Carcassonne (je sens que je vais lâcher, d’autres romans sympa m’attendent 🙂
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C’est dense mais franchement passionnant par moments. Justement, ici, le mélange des genres permet d’avancer plus facilement, de se tailler une route dans les idées et théories avancées 🙂
Ah je connais ce déchirement entre une lecture longue et assez désagréable et la tentation de beaux romans prometteurs !
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