Pour cette adaptation du roman de George Orwell, Xavier Coste épure le texte originel, le tronque. Il le réécrit même, transforme les phrases et, changement majeur entre tous, modifie les points de vue. Là où l’auteur adoptait une narration omnisciente qui illustrait ce célèbre mantra, « Big Brother is watching you », le bédéiste choisit cette fois d’entrer directement dans la tête du héros, Winston Smith et adopte le « je ». En outre, il s’appuie bien davantage sur son trait que sur les mots d’Orwell, retranscrit nombre d’éléments dans des détails de ses illustrations – pourtant peu détaillées, et c’est d’ailleurs là la force de ce 1984 2.0.
En effet, il parvient à faire naître le régime totalitaire grâce à des silhouettes esquissées, noircies, des visages brouillés, des reflets, des bâtiments monumentaux. Ces derniers oppressent les personnages autant que l’œil, dominant nombre de cases, héros à part entière de ce roman graphique. Xavier Coste s’est inspiré de l’architecture brutaliste et du cinéma des années 1930 pour créer ces lignes droites, sans concession, représentant des blocs de béton presqu’aveugles. La dictature et la fadeur inquiétante de la vie sont également matérialisées par des aplats de couleurs, numériques et acryliques, ainsi que par ces planches trichromes dont les dominantes varient en fonction des lieux où se trouve le protagoniste. Toutes les nuances de gris ainsi que le blanc sont des constantes immuables, le bédéiste ayant d’ailleurs commencé par réaliser ses dessins en noir-et-blanc, mais le jaune et le rouge se relaient à la troisième place. Rouge sang, bordeaux chaleureux enveloppent les traits des hommes et des femmes lorsque Winston se sent presque à l’abri, tandis que, dans le ministère de la Vérité où il travaille, des diagonales citron viennent écraser encore davantage les corps, souligner les ombres, matérialiser l’hypervigilance du régime, flashs de lumière pénétrants.
L’intelligence de cette adaptation repose donc sur l’ambiance finement établie, même si d’aucuns pourront reprocher à l’auteur-illustrateur d’avoir simplifié l’œuvre d’Orwell, passant sous silence nombre de ses concepts si clairvoyants et novateurs. Si cet allégement rend cette version de 1984 plus percutante que l’interprétation de Fido Nesti, le manque de fidélité à l’œuvre originale est dommageable.
George Orwell ; Xavier Coste – 1984
Editions Sarbacane
6 janvier 2021
224 pages
35 euros
Ils/elles en parlent aussi : Moka. La case de l’oncle Will. L’île aux trésors
Ping : 1984 – Les.lectures.de.Caro
Je l’ai eu brièvement dans les mains et puis je l’ai reposé. Je regrette maintenant de ne pas l’avoir emporté avec moi. J’y retourne !
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L’adaptation est plus une réécriture qu’autre chose d’autant que Xavier Coste a opéré certaines coupes dommageables mais la plongée dans l’univers de 1984 est vraiment réussie !
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Belle suggestion! Je trouve ça plutôt cool l’engouement pour le classique revisité en BD ou roman graphique (Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, La vie devant soi…). Une belle façon de découvrir de grandes oeuvres de façon ludique.
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Oui c’est vrai que c’est une tendance assez sympathique quoique peut-être trop systématique, parfois au détriment de la qualité de l’adaptation. Mais je suis d’accord avec toi, c’est une bonne manière de plonger dans la littérature d’hier 🙂
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j’ai lu l’adaptation du roman avec la BD de Fido Nesti mais pas celle-ci …
Mais je vais en rester là…J’ai eu mon compte avec big brother 🙂
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J’ai préféré le graphisme de celle-ci mais le parti pris m’a un peu gênée. Elle rend l’œuvre d’Orwell plus accessible mais Xavier Coste prend des libertés assez frustrantes.
Je peux comprendre 🙂 je trouvais que l’ode à la liberté était appropriée en ce moment.
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pour moi,cela évoque trop la dictature et le lavage de cerveau… Et le général Guérassimov ultra spécialisé dans la cyberguerre 🙂
je préfère lire un livre de l’auteur russe Guélassimov avec 1 L et pas un R qui sonne comme un canon (missile serait plus adéquat! )
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Je ne connais pas cet auteur mais je note ! Merci 🙂
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