David Joy signe un livre noir, d’un noir profond ici et là réchauffé par les lueurs des incendies ravageant alors les Appalaches. Malgré tout, ce roman, certes peinture sociale, est aussi et surtout policier. Derrière les coups de pinceaux très factuels, se devine la toile du monde de la drogue. Les personnages de Joy en dessinent grossièrement les contours, du père d’un homme rongé par son addiction à un jeune homme et ses tourments, en passant par un commandant de police et par un agent infiltré. Chacun joue un rôle dans l’affaire qui s’esquisse peu à peu, les ramifications de celle-ci touchant à l’âme de cette région et de sa déliquescence. Comme David Joy l’explique de manière poignante et outrageante dans la postface, originellement article paru dans America en 2020, les opioïdes et l’héroïne sont le fléau des habitants de ces collines. C’est ce qu’il s’efforce de démontrer dans Nos vies en flammes, sans oublier de dénoncer la négligence criminelle qui a cours dans les réserves amérindiennes et étouffe un peu plus encore les Smoky Mountains, déjà asphyxiée par la fumée des incendies invisibles craquant dans la nuit.
Tout s’embrase, les veines des junkies, le cœur d’un père, les bois, le soleil dans le ciel. Les focalisations s’alternent, donnant de la profondeur au tableau qui reste pourtant très brut. En effet, l’auteur se concentre sur les faits là où il aurait pu s’attacher davantage à l’humain, aux sentiments et à la poésie de cette terre si dure, comme l’ont fait Mesha Maren ou Stephen Markley – il avait les armes pour, le vécu pour témoigner et gonfler ces pages de davantage de larmes. Il faut attendre les derniers chapitres pour être réellement touché, pour pénétrer sous la surface, toucher à ce qui aurait pu (dû) être l’essence du roman. À la place, Joy s’est lié les mains avec cette enquête policière qui, si elle semble être la raison d’être du récit, l’empèse et l’empêche de s’envoler. Nos vies en flammes aurait pu flotter dans l’air noir du soir comme une cendre encore orangée, mais le roman tourbillonne sans voguer sur le vent.
Merci à Lireka pour ce partenariat.
David Joy – Nos vies en flammes
[When These Mountains Burn – traduit par Fabrice Pointeau]
Sonatine
20 janvier 2022 (rentrée littéraire d’hiver 2022)
21 euros
352 pages
Ils/ elles en parlent aussi : Un livre, un crayon, l’addition !. La culture dans tous ses états. The cannibal lecteur. Imaginoire. Nyctalopes. Les livres de K79. D’autres vies que la mienne. Actu du noir. Évasion polar et plus. Black novel 1. Tu l’as lu ?. La jument verte
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Je n’ai toujours pas plongé dans les livres de David Joy. En lisant ton article, je me suis dit que celui-ci serait parfait pour une mise en train.
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La froideur m’a gênée. C’est assez immersif mais l’enquête policière absorbe l’énergie que l’auteur aurait pu déployer pour créer des personnages attachants, davantage d’émotion… nous ne sommes pas beaucoup à àvoir ces réserves donc à voir !
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bonjour, je découvre ton site via un de tes commentaires laissés sur un autre ! la magie d’internet et de la blogosphère. Je viens d’acheter le roman car j’aime beaucoup cet écrivain. Je vois que tu n’es pas très enthousiaste à la lecture de ce livre. J’espère que je retrouverai le talent de l’auteur qui jusqu’ici est toujours parvenu à me combler. Merci en tout cas pour ta chronique et la très jolie conclusion que tu en fais !
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Bonjour,
Effectivement, c’est toujours une jolie surprise de découvrir des blogueurs et des blogs en se perdant ici et là 🙂 je n’avais jamais lu David Joy et j’en attendais beaucoup, sans doute trop, d’où cette déception. J’espère moi aussi que Nos vies en flammes te plaira malgré tout ! Nous ne sommes pas beaucoup à émettre des réserves.
Merci de ton passage en tout cas et au plaisir d’échanger !
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il faut que je découvre, et le livre et l’auteur 🙂
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Je ne suis pas sûre que ce soit son meilleur. Je ne peux pas me prononcer, n’ayant lu que celui-ci, mais je m’attendais à être beaucoup plus remuée, beaucoup plus émue…
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Je suis un inconditionnel de David Joy et ce roman m’a beaucoup plu par ce côté âpre, sans concession avec un univers assez glauque il faut bien le reconnaître. Le Stephen Markley est meilleur, je te rejoins totalement sur ce point 😉
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Je le découvrais et j’avoue que j’ai été très déçue… de tout le roman je n’ai pas vu les émotions affleurer, ou si peu, alors que les dernières pages et la postface m’ont enfin touchée. Je crois que j’ai regretté que l’auteur mêle une enquête policière à sa dénonciation de la situation.
Je vais aller te lire 😉
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Je comprends ton ressenti Cécile mais j’ai davantage vu cette enquête comme un prétexte pour dénoncer cette situation terrible aux États-Unis.
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Oui sans doute ! Chez moi ça n’a pas marché en tout cas.
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