Le visage de Kristen Stewart semble avoir cette capacité caméléonesque à évoquer les traits des icônes féminines du siècle passé. Après Jean Seberg dans le film éponyme, c’est Lady Di qu’elle incarne ici, dans ce long-métrage de Pablo Larraín, réalisateur mexicain à qui l’on doit le célébré Jackie. Huis-clos, Spencer encapsule trois jours censés représenter une vie, celle d’une roturière devenue princesse. Celle-ci est emprisonnée par les carcans de la Couronne défendus par la famille Windsor, hantée par le spectre de Camilla, véritable amour de Charles, son époux, et par le fantôme d’Anne Boleyn, son ancêtre décapitée par Henri VIII, délaissée par désamour. Noël n’est pas synonyme de joie, de lumières, de retrouvailles et d’excès – en tout cas, pas dans le sens où on l’entend. Diana arrive en retard au château, s’isole ou se sent isolée, recluse, espionnée. Pablo Larraín met l’accent sur cette asphyxie de chaque instant, extrapolant, bâtissant un mythe sur le mythe, faisant de son « biopic » un portrait tantôt sensible, tantôt outrancier qui flirte avec la fantasmagorie dantesque. Les violons discordants de Jonny Greenwood, compositeur acclamé qui a également signé la musique de The Power of the Dog, s’envolent ; l’actrice est à bout de souffle, murmurant à peine ; les travellings accentuent cette idée d’Altesse prise dans de la poix, tout comme ce silence, cette méfiance, cette défiance, ces rares faces-à-faces glaciaux.
Ainsi, Spencer se traîne, seule-en-scène excessif à tout égard, peut-être – sûrement – pour souligner le mal-être d’une jeune femme représentée comme fébrile, paranoïaque, sur la corde raide entre raison et folie. De même, la performance de Kristen Stewart oscille en permanence entre justesse et emphase, brio et caricature – peut-être a-t-elle d’ailleurs trouvé un équilibre, en tout cas ainsi pense l’académie des Oscars puisqu’elle est nominée dans la catégorie « meilleure actrice ». Ses yeux mélancoliques brillent de larmes, ses gestes sont mesurés, étudiés, sa voix, un filet de son essoufflé, (trop) travaillé, tant pour que son accent perde ces « r » marqués propres à sa nationalité américaine que pour adopter les inflexions mesurées de Lady Di. Les seuls instants réellement touchants, presque réels dans leur dépouillement apparent qui contraste avec l’esthétique chargée de la réalisation, sont ceux qui l’entourent de ses fils, William et Harry, interprétés par Jack Nielen et Freddie Spry. En l’absence de Maggie (Sally Hawkins), sa domestique chérie née de l’imagination débridée du réalisateur, ils semblent être sa raison de vivre, de ne pas laisser ses délires achever de l’aspirer hors du monde – ou plutôt hors de ce monde de faux-semblants vers celui de ses songes. En effet, le maelström de ses souvenirs d’House Park la menace, trou noir qui menace de l’engloutir. Cette demeure où elle a grandi ne quitte pas son esprit, ni même son champ de vision puisque la bâtisse, alors décrépie, est située sur le domaine d’Elizabeth II où la famille séjourne. Ces réminiscences nostalgiques sont montées comme une succession de plans sans lien, émergeant de l’esprit tourmenté de Diana. Outre ces brèves escapades rêvées, ces jeux et ces moments de joie pure avec ses enfants, l’étouffement, l’oppression sont tels que ce biopic décidément bien étrange apparaît finalement comme un cliché parodique, surfait et long, terriblement long, ainsi que ces trois jours auraient semblé s’étirer encore et encore pour la Princesse s’ils avaient existé en tant que tels.
De Pablo Larraín
Par Steven Knight
Avec Kristen Stewart, Timothy Spall, Jack Nielen, Freddie Spry, Sally Hawkins
Genre : Drame, biopic
Durée : 1h57
A voir sur Amazon Prime Video depuis le 17 janvier 2022
Ils/elles en parlent aussi : Lilylit. Culture aux trousses. Les chroniques de Cliffhanger et Co. Le 7ème café. Cinémathèque de Clélia
Je n’ai pas vu ce nouveau biopic de Larrain, mais je constate que son style divise toujours autant.
S’il avait plutôt su faire consensus avec « Neruda », je me souviens que « Jackie », que j’avais plutôt défendu, était moins bien accueilli.
N’ayant pas accès à ladite plate-forme qui diffuse « Spencer », je ne me ferai un avis de sitôt.
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Oui, il divise… son style est particulier et personnel, il n’y a pas à dire.
Je n’avais pas vu Neruda mais Jackie, si. Je me souviens avoir été déçue et déstabilisée mais ça fait longtemps alors je ne pourrais pas en dire beaucoup plus.
Peut-être peux-tu bénéficier d’une période d’essai gratuite ? J’avoue que tout concourt à m’empêcher d’aller au cinéma ces derniers mois alors je me rattrape sur les plateformes de streaming… peu glorieux, je sais.
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Je ne l’ai pas encore vu, j’en avais très envie, mais j’avoue qu’en lisant ton avis, un peu moins lol Pour autant, je ne manquerai pas de le voir quand même !
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J’ai hâte de savoir ce que tu en penses ! Je l’attendais beaucoup moi aussi mais j’avoue que je ne pensais pas voir un film pareil…
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Décidément Larraín est un cinéaste qui divise ! Depuis Ema je le trouve à son meilleur, au moment où il est plus critiqué que jamais dans ses choix…
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Oui, j’ai lu des critiques très bonnes et d’autres très mauvaises !
Je voulais voir Ema mais l’occasion ne s’est pas présentée. Je n’avais pas réalisé que c’était l’un de ses films.
C’est étonnant comme situation mais ça m’arrive aussi souvent, d’être complètement à contre-courant 🙂
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Sur celui-ci les avis sont tellement partagés que je ne saurais dire qui est à contre-courant ^^
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Bien vu 😉
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