Pete Fromm ne quitte pas ses premières amours – l’aventure, la pêche, les lacs, les flocons qui guettent, l’hiver qui arrive presque sans prévenir, dangereux, menaçant d’ensevelir les héros sous la neige qui tombe comme elle l’avait piégé lui-même ce premier hiver dans le Montana, celui qu’il avait choisi de subir, celui où tout a commencé, celui qu’il relate dans Indian Creek. Il a cette fois décidé d’imaginer une virée en canoë qui tourne mal, une expédition sans fin sur le lac de nulle part, entre nature-writing et roman familial, comme l’était son Désir le plus ardent. Trig et Al, des jumeaux, n’ont pas revu leur père depuis des années, et, comme le Arthur d’Andrew Ridker invite sa fratrie à le rejoindre après des semaines de silence, leur père les convie un mois au Canada, à pagayer pour se retrouver, comme avant. Même s’ils sont surpris par cette proposition, et encore plus par le moment auquel Bill se décide, le frère et la sœur acceptent immédiatement. Leur épopée est racontée au présent par Trig. Dès les premières minutes, ils sentent que quelque chose ne va pas. Leur père agit bizarrement et les jumeaux sont inquiets pour la suite. Les événements leur feront regretter de ne pas avoir écouté leur intuition…
Cette famille dysfonctionnelle s’enfonce ainsi dans la nature, la même qui servait de huis-clos à ciel ouvert à Peter Heller dans La rivière. Ici aussi, les arbres se referment peu à peu sur le trio au cœur de ce roman, la menace du froid pesant encore davantage sur leurs épaules que les courbatures. Intercalés ici et là, quelques chapitres délaissent l’eau et les pins pour offrir une incursion dans la vie de leur mère, Dory, qui ignore tout de ce séjour, et dans celle de Chad, le ranger qui les a accueillis à leur arrivée dans la réserve. Écrit pendant le confinement, Le lac de nulle part a cette ambivalence qui en témoigne – rien d’autre que l’eau et les troncs à l’horizon, le grand air, les étoiles, décor grandiose qui pourrait bien devenir plus étouffant que des murs se resserrant sur les protagonistes. La monotonie n’est pas de mise, malgré la simplicité apparente de l’intrigue – en réalité, bien des secrets s’apprêtent à émerger de la brume. Les jours se répètent, se ressemblent, mais Pete Fromm parvient à faire grandir l’angoisse, à rendre l’air bientôt glacial irrespirable, et ce malgré quelques phrases maladroites qui laissent l’imagination du lecteur dans le flou. Cependant elle les surmonte rapidement ; les pages se tournent, vite, de plus en plus vite. Après des titres décevants, Gallmeister confirme cette fois qu’un page-turner peut aller de pair avec de belles descriptions de la région des Grands Lacs, de l’eau qui tourbillonne.
Merci aux éditions Gallmeister qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.
Pete Fromm – Le Lac de nulle part
[traduit par Juliane Nivelt]
Gallmeister
6 janvier 2022 (rentrée littéraire d’hiver 2022)
448 pages
24,60 euros
Ils/ elles en parlent aussi : Les amis lecteurs. Lectures de rêves. Aude bouquine. Mes échappées livresques. Aire(s) libre(s). Worldcinecat. Zéro cinq dix. One more cup of coffee. Read look hear. Folittéraires
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C’est tout à fait ça. Les pages se tournent et l’intrigue se dévoile comme par magie. Très bel article, mais je suis contente de le découvrir après ma lecture et non avant ! 😉
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Oui, il se dévore vraiment.
Merci ! Ah pourquoi ? J’en dis peu pourtant 😉
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En effet, nous sommes raccord ! 🙂 Un très bon Pete Fromm !
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Oh oui ! 🙂
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Je le note tout en haut, celui-ci, dans ma liste Babelio surtout après t’avoir lu ! 😊
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Ah super ! Je pense qu’il te plaira 😉
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Je pense aussi 😉 belle journée à toi Cécile 😊
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je n’ai toujours pas lu les anciens alors que j’ai dans ma PAL depuis des lustres « Indian creeck et « Mon désir le plus ardent! donc je celui-ci note pour plus tard,
2022 sera peut-être l’année du délestage qui sait (ou alors un vœu pieux comme tous les ans 🙂
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Les thèmes chers à Pete Fromm sont tous réunis ici, donc peut être une bonne entrée en matière 🙂 mais Indian Creek et Mon désir le plus ardent sont tous les deux d’excellents livres !
J’ai une PAL qui déborde moi aussi…
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Beautifully written ! Well shared thanks 🎉💕😊
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Oh thank you ! And thanks for reading 😊😘
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It’s my pleasure 🎉💕God bless you.
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Ses derniers romans ne m’avaient pas tentée mais celui-ci oui….. Il faut dire qu’après Mon désir le plus ardent, Lucy in the sky, Indian Creek et Le nom des étoiles, la barre était haute et je pense qu’il est plus à l’aise dans la nature que dans l’intime même si les deux peuvent se lier 🙂
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Oui je pense que tu as raison 🙂 et ici, l’équilibre est parfait et permet à son talent de se révéler dans son entier !
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Je vais mardi à ma librairie me le procurer, j’ai trop hâte de le lire 😍
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Tu vas te régaler !
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Bonjour Ceciloule,
Merci pour cette critique.
Un véritable page-turner comme vous dîtes !
Effectivement l’auteur parvient à faire naitre l’angoisse au fur et à mesure de l’avancée de l’intrigue.
J’ai beaucoup aimé le fil rouge de l’histoire avec les éléments autour qui sont forts et marquants ! Ils donnent du sens à cette dernière.
J’avais une appréhension à l’idée de relire Pete Fromm (peur de lire quelque chose de proche de Indian Creek) mais c’est une très belle surprise.
2022 commence sur les chapeaux de roues !
Bonne journée
Chaleureusement,
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Merci à vous de ce passage.
Je vois que nous avons le même ressenti sur ce roman difficile à lâcher et qui puise dans les précédents titres de Pete Fromm sans pour autant manquer d’innover.
Bonne journée également
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