L’univers créé par Clélia Renucci n’a d’alternatif que son rapport à la mémoire. Le monde imaginaire qu’elle bâtit, en parallèle du nôtre, monnaye les souvenirs, en fait des pièces de collection inestimables, autant de moyens de s’échapper du présent pour ressusciter le passé et ainsi s’inscrire dans un cercle infernal. L’autrice dénonce la tendance de la société contemporaine à vendre sans compter, à créer des marchés sans nécessairement en mesurer les conséquences. Elle s’attache également à capter la fragilité d’un souvenir, son évanescence, même à l’inverser puisqu’ils sont désormais enregistrés sur des puces et donc tangibles. D’un côté de l’Atlantique, Gabriel tombe en pâmoison devant une violoncelliste d’un autre temps en voulant revivre une représentation de Phèdre de 1942 ; de l’autre, Rose, danseuse et chanteuse de comédies musicales se rêve reine de Broadway. Leur destin se croisera, inévitablement, la trame du livre restant très visible sous ses abords élaborés et ses énoncés parfois lourds et laborieux, boursouflés de références et de noms célèbres qui ne restent que des ombres.
En effet, si le point de départ de La fabrique des souvenirs est aussi intelligent que prometteur, le roman ne se révèle rapidement pas à la hauteur. Les protagonistes de Clélia Renucci sont finalement assez archétypaux, tout autant que leur vie. Ils sont d’une beauté insolente, encore jeunes et amoureux d’une chimère ; ils ont un passé tragique, chacun, et sont trop nombreux – la banalité est donc de mise. Leur existence entre en collision, de nombreuses situations les amenant à se percuter sans que rien ne semble très plausible : tout est trop beau, aussi beau que les héros. L’amour de Gabriel le pousse à courir après un fantôme, fantôme qu’il suit à la trace grâce aux souvenirs qu’il acquière, de plus en plus nombreux, le lecteur vivant ces moments par le prisme du rêveur, projeté face à Oriane grâce à des hommes d’hier. L’autrice tente de ranimer ces intellectuels disparus, entre cinéastes, acteurs, comédiens et musiciens, croisés par Gabriel pendant cette quête insensée. Quand l’Histoire s’en mêle et redessine les existences des spectres qui n’existent plus que sur des puces électroniques et dans l’esprit de Gabriel, le roman achève de tomber dans la caricature et le superficiel. La déportation est esquissée à grands traits, barbouillée en quelques pages dans un semblant d’hommage qui échoue à créer des souvenirs inestimables dans notre mémoire – le titre aura donc été trompeur à bien des égards.
Clélia Renucci – La fabrique des souvenirs
Albin Michel
18 août 2021 (rentrée littéraire 2021)
320 pages
19,90 euros
Ils/elles en parlent aussi (et sont plus convaincu(e)s) : Lili au fil des pages. Célittérature. Les chroniques de Koryfée. Mon petit carnet de curiosités. Valmyvoyou lit
Merci pour le tag, 💖. C’est vrai que ce roman, contrairement ´à toi, m’avait séduite. Il y a un passage, en particulier, que je n’oublie pas depuis ma lecture : il s’agit de celui au sujet du devoir de mémoire, 💖
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Je t’en prie ! Je me souviens de ta critique dithyrambique alors je ne pouvais pas ne pas te citer, rien que pour amener un peu de diversité critique 😘 oui, c’est vrai que le propos sur le devoir de mémoire et même l’idée de base sur les souvenirs à revivre indéfiniment (mais aussi sur la marchandisation de nos biens les plus précieux) est pertinente mais la manière dont c’est fait ne m’a pas du tout plu…
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Coucou,
Très bonne année à toi.
C’est sympa de partager des avis différents sur ton compte, 😉🙏.
J’ai l’impression que ce livre divise. Les avis sont autant positifs que négatifs.😉
Bonne soirée à toi.😘
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Très bonne année à toi aussi 😘
Je trouve que c’est aussi ce qui fait la richesse de la blogosphère donc ce serait bête de se priver 😉
Oui, c’est vrai que c’est très partagé !
À très vite
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Décidemment on lit les mêmes choses en même temps 😀 ! Sauf que moi je suis en retard dans mes publications, ça arrive, ça arrive ! En ce qui me concerne j’ai beaucoup aimé ce livre, ce n’est pas un coup de coeur mais une très jolie lecture.
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Oui ! Mêmes envies aux mêmes moments 😉
J’irai te lire sans faute alors, je suis curieuse de voir ce qui t’a plu. Il m’a semblé très creux au final… je suis passée à côté. Je crois que les avis sont assez partagés ici aussi, comme pour Feu !
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Je me suis sentie en immersion totale du début jusqu’à la fin, j’ai aimé l’ambiance, j’ai voyagé, je me suis évadée. Bref, Un pur délice ! J’ai hâte de me procurer son premier roman
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Tant mieux alors !
Je te comprends, c’est toujours agréable de découvrir un auteur que l’on aime et dont il nous reste tout à lire.
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je vais faire l’impasse aussi, ta chronique me plaît et je reteins les bémols etj’ai besoin de lever un peu le pied 🙂
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Les bémols sont plus nombreux que les avantages, à mon grand regret… tu fais bien 🙂
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je passe donc
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À mon sens, tu fais bien 😉
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Merci Cécile 🙏
Tant de bonnes lectures nous attendent 🤗
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Je ne mettrais pas celle-ci dans les bonnes lectures qui nous attendent, mais en effet, beaucoup de beaux romans restent à découvrir 🙂 merci de ton passage !
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Dommage, l’idée de base était pourtant prometteuse… Merci pour cette chronique !
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Oui, c’est d’autant plus frustrant !
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Après t’avoir attentivement lu je décide tout comme Matatoune de faire l’impasse sur ce roman. 😉😊
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Je ne le conseille pas en tout cas… 😉
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Bien fait de passer 😉
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Tout à fait 😉
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