Les Appalaches sont le symbole de cette Amérique profonde et pauvre, incapable de se sortir du marasme de misère qui l’embourbe depuis des années, théâtre d’Ohio de Stephen Markley, de Betty de Tiffany McDaniel ou encore de Sugar Run de Mesha Maren, trois romans représentatifs d’une population rongée par l’indigence. En Caroline du Nord, Bryson City, où est née Renea Winchester, est traversée par un chemin de fer qui coupe la ville en deux – d’un côté l’usine mais aussi la cité ouvrière synonyme d’un bon train de vie, et de l’autre côté des rails, les mobil-homes où vivent Pearlene, Barbara et Carole Anne. Trois générations cohabitent donc dans une petite maison posée sur des parpaings, travailleuses textiles de mère en fille. Carole Anne, du haut de ses seize ans, aspire à plus de liberté, aux grands espaces, au goudron qui défile sous les roues de l’Oldsmobile de Barbara qu’elle entend bien réparer pour s’enfuir. Pearlene, la grand-mère, rêve argent et n’est jamais à court d’idées farfelues pour amasser des billets. Quant à Barbara, elle tâche d’unir ce petit-monde et d’actionner suffisamment vite sa machine à coudre pour ne pas perdre son emploi – mais les délocalisations qui se multiplient à l’aune de ces années 1980 menacent toute la petite ville. Seuls le bootlegger, le pasteur et le prêteur sur gage profitent du désespoir ambiant, en cela si semblables aux héros d’une noirceur sans nom des Femmes n’ont pas d’histoire d’Amy Jo Burns.
Malgré le contexte sombre dans lequel il s’inscrit, De l’autre côté des rails est un livre tendre, rare exemple de roman sociologique qui ne tombe jamais dans le misérabilisme mais côtoie plutôt l’humour. Renea Winchester imagine une jolie histoire, peut-être un peu convenue mais qui fait du bien, vraie bouffée d’optimisme dans un monde qui en manque cruellement. Le style, sans faire dans la poésie, reste efficace malgré quelques erreurs de traduction.
Cette publication du Nouveau Pont marque les débuts prometteurs de cette petite maison d’édition en plein essor qui fait la part belle à la littérature américaine et accorde un soin tout particulier à l’objet livre, de l’épaisseur du papier à l’élaboration des couvertures à l’aquarelle.
Renea Winchester – De l’autre côté des rails
[Outbound Train – traduit par Marie Bisseriex]
Le Nouveau Pont
Avril 2021
248 pages
20 euros
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Les Appalaches avec la tendance en plus, je note ! Merci pour la découverte, Cécile.
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Avec plaisir, Hélène. Et en plus, l’autrice est charmante, ravie d’échanger au sujet de son roman 😉
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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J’aime beaucoup les livres se passant dans les Appalaches, ils sont souvent rudes mais émouvants. Je lirai ce livre avec plaisir. Merci Cécile 🙏
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Moi aussi et c’est ce qui m’avait attirée ici. Je ne m’attendais pas à cette tendresse qui adoucit la misère, alors ce fut une surprise qui fit du bien 🙂
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Je pense que Lectrice en campagne avait déjà attiré mon attention sur ce lieu ré, tu confirmes 😉
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C’est une belle histoire qui reste pleine d’optimisme, même si elle est parfois, de ce fait, légèrement convenue. Ça fait du bien de lire des romans qui s’inscrivent dans un tel contexte sans être d’une noirceur absolue 🙂
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Tout à fait d’accord avec cet article. Un très joli livre, au ton différent de beaucoup d’autres sur le sujet. Et merci du partage !
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Tout à fait 🙂
Avec plaisir, merci de m’avoir lue !
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pour retrouver les Appalaches et l’univers de Betty je le note 🙂
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C’est beaucoup moins sombre que Betty, davantage urbain, et il n’y a pas sa poésie inimitable. Ceci dit, les Appalaches sont bien représentées ici, mais d’une manière plus tendre et douce, sans passer sous silence la dureté de la vie pour autant.
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