En 2014, à Belfast, des feux embrasent l’été. Le ciel n’est plus que fumée tandis que les flammes montent, lèchent les pavés puis les façades, grisent les murs et l’atmosphère. Jan Carson ancre son roman dans cette parenthèse brûlante, asphyxiée par la chaleur et par les braises rougeoyantes qui flottent dans l’air. Les rues de Belfast naissent de ses mots, entre grisaille ambiante, barbecues, enthousiasme enfantin et populaire, violences qui couvent, encore, déjà. En parallèle de ces plongées au cœur de la ville qui flambe, elle relate la vie de deux pères, Sammy et Jonathan, deux pères qui craignent pour leur enfant, pour le chaos dans lequel ils pourraient plonger le monde, pour le brasier qu’ils abritent en leur sein – lanceurs de feu littéraux ou potentiels. La personnalité de ces deux hommes ne se ressemble en rien. L’un est taciturne, inquiet, solitaire, tandis que le second tâche de maîtriser la rage qui l’habite depuis les Troubles, tout aussi angoissé que son homologue mais pour une seule et unique raison : le devenir de son fils et son potentiel de pyromane – dans tous les sens du terme.
Trois romans en un, chacun faisant écho à l’autre sans que les liens ne se tissent vraiment, n’acquièrent une véritable matérialité. Le rythme narratif est lent, sans effusion, tandis que le tempo créé par les phrases varie, énoncés de quelques mots puis courant sur plusieurs lignes. Jan Carson imagine un Belfast presque empreint de fantastique tant les flammes parent la ville de lueurs fantomatiques. Pour mieux répondre à ces touches de surnaturel, l’auteure irlandaise imagine des hommes et des femmes qui viennent d’ailleurs, comme émergeant des mythes celtiques ou antiques, lanceurs de feu en puissance, étrangetés qui rendent plus prégnante l’atmosphère fantasmagorique hantant ce livre inégal malgré la précision de la langue et l’acuité de la psychologie des protagonistes. En effet, les trois récits qui cohabitent sous la même couverture tentent chacun de dévorer l’autre, sans parvenir tout à fait à trouver le parfait équilibre.
Les lanceurs de feu fait partie de la première sélection du prix Médicis étranger et il est toujours en lice pour le Femina étranger.
Merci aux éditions Sabine Wespieser qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.
Jan Carson – Les lanceurs de feu
[Fire Starters – traduit par Dominique Goy-Blanquet]
Sabine Wespieser
9 septembre 2021 (rentrée littéraire 2021)
384 pages
23 euros
Elle en parle aussi : Lili au fil des pages. La bibliothèque de Lilly McNocann. La livrophage. Les Carpenters racontent. Mot à mots. Temps de lecture
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J’adore la littérature irlandaise et il y a longtemps que je n’en ai pas lu – les thèmes sont assez récurrents; un moment donné, on est un peu gavé. Du coup, je note, car cela semble bien. Merci !
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Je n’en lis pas beaucoup mais ceux choisis cette année sont tous très différents (Les lanceurs de feu et Milkman se rejoignent sur la présence latente des Troubles, mais Rien de sérieux ou Normal People n’avaient rien à voir par contre, quant à Au-delà de la mer, il se détache encore plus !).
Je t’en prie, merci à toi 🙂
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