Sidérations, Richard Powers

Ce roman naît au cœur des Appalaches, dans le plus pur nature-writing qui soit. Si Theodore et Robin retournent ensuite à la civilisation, ce genre imprègne chaque page du récit, appelant à l’extase, à la sidération devant toute chose que la vie sauvage nous offre.

Après L’Arbre-Monde, hymne aux êtres de sève, Richard Powers adopte cette fois une narration beaucoup moins complexe, à la première personne. Un père, veuf, raconte son fils, Robin, « rouge-gorge » en anglais, oiseau préféré d’Aly, sa mère morte plusieurs années plus tôt. L’enfant est différent, peine à se concentrer, à éprouver de l’empathie pour ses semblables, à dévier de sa routine. Pourtant, il ne supporte pas de voir souffrir un être sensible et tente avec ses moyens d’enfant de poursuivre le combat d’Aly, engagée pour le bien-être animal. Autant de diagnostics ont été émis que de médecins ont été consultés. Les psychotropes sont hors de propos pour son père qui a développé ses propres astuces pour l’apaiser et le détourner des humiliations écolières, des tortures animalières. Ainsi, chaque soir, il l’emmène visiter une planète de son invention. Astrophysicien, Theo puise dans ses recherches et dans ses lectures de science-fiction pour faire éclore des mondes gazeux, liquides, brûlants, glacés – des ailleurs où un Trump en puissance n’a pas pris le pouvoir et lentement transformé la plus vieille démocratie du globe en une dictature, où l’Homme n’existe pas, ne ravage pas la nature, ne perturbe pas des millions d’espèces, ne dénature pas la terre, ni la Terre. Démunis face à des crises de plus en plus brutales et confondantes, tous deux acceptent finalement que Robin participe à un protocole expérimental qui lui apprendrait l’extase, la lenteur. À savourer le monde.

D’une tendresse infinie, Sidérations raconte un père et son fils, les mille et une merveilles que recèlent les arbres, les fleurs, les insectes, les animaux. L’auteur imagine les États-Unis dans quelques années, ravagés par diverses catastrophes qui se profilent déjà, et parvient à alerter tout en écrivant la beauté du lien qui unit Theo et Robin, infiniment touchants. Le lecteur voyage des Smoky Mountains au jardin des deux héros, des planètes imaginaires à la Voie Lactée, du cerveau d’un enfant différent mais si attachant, à celui de sa mère disparue. Les odyssées sont si intenses et authentiques qu’il en vient à regretter les éléments dystopiques, certes secondaires, à presque les voir comme des accessoires alourdissant l’éther des mots qui relatent la vie des deux protagonistes, dit leur choc face au monde sauvage – déjà menacé aujourd’hui. Malgré tout, Sidérations imprime sa marque, sidère et achève l’extase littéraire en un bouquet de larmes.  

Ce roman est en lice pour le Man Booker Prize et le National Book Award.

Un grand merci aux éditions Actes Sud qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont contribué à enrichir Pamolico.

Richard Powers – Sidérations
[Bewilderments – traduit par Serge Chauvin]
Actes Sud
22 septembre 2021 (rentrée littéraire 2021)
400 pages
23 euros

Ils en parlent aussi : Genz. D’autres vies que la mienne. Aude bouquine Aux vents des mots. Aire(s) libre(s). La culture dans tous ses états. Sin city. Cannibales lecteurs. In the mood for… EmOtionS. L’épaule d’Orion. Lire & vous. Sur la route de Jostein. Plaisirs de lire inattendus. Les Carpenters racontent. Ma passion les livres

31 réflexions sur “Sidérations, Richard Powers

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  6. Voilà un roman que j’achèterais pour trois raisons : l’histoire, Richard Powers (un auteur que j’adule) et cette couverture sidérante de beauté👍. J’en rajouterais une autre de raison : ta critique qui est belle👍.J’aime bien ta nouvelle présentation pour la photo du livre, tout en haut au dessus de l’article. Cela rend vraiment bien. Merci Cécile 😊

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    1. Je t’avoue que je n’avais même pas regardé le résumé avant de le demander à Actes Sud tant je fais confiance à la plume de Richard Powers… j’ai toujours Le temps où nous chantions dans ma PAL et d’autres ne demandent qu’à la rejoindre !
      Quant au récit, il est infiniment touchant et indispensable, superbement illustré par la couverture.
      Merci beaucoup Fred, c’est gentil 😊

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  7. Rhaaaa, tu as été plus rapide que moi pour écrire ta chronique, je n’ai pas encore commencé la mienne… 😉
    Mais ô combien d’accord je suis avec toi, et même un peu plus encore, puisque j’ai adoré ce roman sans réserve, y compris dans ses dimensions politiques qui me semblent tout aussi essentielles que les autres pour comprendre ce merveilleux enfant qu’est Robin, ainsi que son père et la sublime Aly.
    C’est mon plus gros coup de cœur de cette rentrée, qui compte tout de même pas mal de très jolies choses, finalement !

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    1. Ah, je n’ai qu’encore plus hâte de la lire alors 😉
      Gros coup de cœur pour moi aussi, même si, contrairement à toi, j’ai trouvé les quelques détails dystopique sur la politique un poil superflus (le monde va déjà assez mal à mon sens, ce n’était pas la peine d’imaginer un gouvernement aussi déplorable et des catastrophes encore plus catastrophiques si je puis dire).
      Oui, quelques belles très découvertes ! J’ai adoré Climax également, critique à venir…

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      1. Oh là là, Climax, tu fais bien d’en parler, je suis en train de l’oublier, pourtant j’aime beaucoup Reverdy… Le problème, c’est que j’attaque une série de gros romans anglo-saxons (pléonasme), ça ne va pas être simple de le caser dans le programme.
        Je compte donc sur ta chronique pour changer la donne – ceci dit sans pression aucune, bien entendu 😉

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      2. Oui, je me rappelle qu’on en avait parlé brièvement !
        Tu m’intrigues, même si ma PAL préfère éviter les pavés : un titre à me donner ?
        Elle ne devrait pas tarder à arriver, la semaine prochaine je pense (ça se bouscule 😉 ). Pour la mise en bouche, disons qu’il est original, inventif et brillant !

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      3. Pour les pavés anglo-saxons, il y en a que tu as déjà lus, donc pas d’inquiétude : Lorsque le dernier arbre de Michael Christie (grand livre, dont je viens d’extraire une chronique pâlichonne aujourd’hui), Shuggie Bain de Douglas Stuart (dans lequel je ne suis pas entré, pas pour moi maintenant)…
        Je voudrais aussi jeter un œil au premier roman de Ta-Nehisi Coates, La Danse de l’eau, aux nouveaux de Jean Hegland et Joyce Maynard…
        Mais comme le Michael Christie m’a pris beaucoup de temps et d’énergie, je fais une pause « petits romans » (par la taille), ça fait du bien 😉

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      4. Effectivement, tout est lu chez moi ou en attente, sauf pour La danse de l’eau que j’ai noté cependant 😉 J’attendrai ton avis ! Quant au Joyce Maynard et au Jean Hegland, ils sont sur mon bureau… Lorsque le dernier arbre est un grand livre, effectivement, et Shuggie Bain aussi à mon sens mais il est très éprouvant donc le moment auquel on l’entame doit être bien choisi, c’est sûr…
        Je me doute !

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      5. Je suis un peu frustré pour Shuggie Bain, parce que c’est sûrement un excellent livre, mais j’ai senti dès les premières pages que ça n’allait pas marcher pour moi. C’était sans doute trop après la longue lecture de « Lorsque le dernier arbre ». J’ai de plus en plus besoin d’alterner les textes courts et les longs, en plus de changer de genre ou de style de littérature.
        Du coup, depuis le Christie, j’ai lu deux brefs romans (« Les envolés » d’Étienne Kern chez Gallimard, très bien ; et « Apprendre à se noyer » de Robert Jeremy Johnson au Cherche-Midi, éprouvant), et là j’attaque un polar finlandais 😉

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      6. Je te comprends, et puis lire beaucoup tout en enchaînant le même style de romans conduit à ce que tout finisse par se brouiller… (même si Shuggie Bain et Lorsque le dernier arbre n’ont de semblable que l’épaisseur !) Peut-être le reprendras-tu à un autre moment.
        Je n’ai lu aucun des deux mais j’en ai entendu parler, en bien 🙂 bonne lecture du polar, moi c’est un genre auquel je n’arrive décidément pas à accrocher…

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      7. Le polar est mon plus vieil amour de libraire 😉 En même temps, après mes deux années de pause professionnelle durant lesquelles je n’ai pas pratiquement pas lu de polars, j’ai du mal à m’y remettre. Le genre m’attire moins, l’impression parfois d’en avoir fait le tour (impression forcément fausse, mais contre laquelle je peine à lutter en ce moment).
        Je conçois d’autant mieux que l’on ait du mal à adhérer 😉

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