Sound of Metal, Darius Marder

Sound of Metal – le son métallique du silence

Sound of Metal suit les traces de Ruben, batteur dans un groupe de métal qui, soudainement, devient sourd. En fait de groupe, il s’agit de lui à la batterie et de Lou, sa petite-amie, au chant – aux cris, devrait-on dire. Soulignons d’ailleurs que le film est basé sur le scénario d’un docufiction inachevé, Metalhead dont le réalisateur a confié à Darius Marder la tâche de porter à l’écran l’histoire qui n’avait pu voir le jour en salles.

Ce premier long-métrage s’ouvre sur un concert violent pour les oreilles du spectateur où voix féminine puissante et cymbales se relaient dans une surenchère de bruit – les deux acteurs n’ont d’ailleurs pas été doublés pour ces séquences. Puis, la douceur d’un matin dans le van aménagé où tous deux vivent et se déplacent. Un rayon de soleil tendre baigne le lit d’une lueur dorée, Lou est enroulée dans les draps et Ruben la tire du sommeil d’une caresse de ses baguettes en bois. Le babil du réveil envahit l’image – la cafetière qui dégoutte, le mixer qui tourne, la vaisselle qui teinte et enfin la langueur d’un morceau de jazz. Puis, soudain, bourdonnement sourd et regard perdu de Riz Ahmed, l’acteur qui interprète brillamment Ruben, primé aux Emmy Awards 2019 pour son rôle dans The Night Of. Il n’entend plus, tout est assourdi, comme s’il était sous l’eau. Cette perte d’ouïe se prolonge, le concert suivant tourne au désastre. Enfin, il parle à Lou, se confie, explique, inquiet et hors de lui. La colère et l’anxiété se succéderont, se disputant sans cesse le contrôle de Ruben. Elles rythmeront ses premiers jours de malentendant, expressions de son désespoir. Comme seule alternative envisageable, Ruben rejoint une communauté où il pourra apprendre à apprivoiser son handicap, et ce nouvel environnement si silencieux.

La surdité au cœur d’un film

La réalisation s’immisce ainsi dans le quotidien d’une congrégation de sourds, entre les repas, les groupes de parole, les cours des enfants. Peu représentés à l’écran, ceux qui apprennent ici à ne pas se voir comme handicapés mais simplement comme différents se sont adaptés et se sont créés une vie où ne pas entendre ne pose pas problème. Ruben commence à assimiler le langage des signes, se rapproche des jeunes qui lui redonnent – pour un temps – le sourire. Mais toute son existence est bâtie sur son amour pour Lou qui lui a sauvé la vie, qui lui a permis d’échapper à l’héroïne, et sur son amour pour la musique – pour le son. Est-il prêt à y renoncer pour embrasser un destin totalement différent de celui qu’il s’était choisi ?

L’expérience filmique est ainsi touchante et très immersive, notamment grâce à la performance du français Nicolas Becker, l’acousticien qui a travaillé sur Gravity : il remporte d’ailleurs l’Oscar 2021 du meilleur son. À plusieurs reprises, le spectateur est plongé dans un silence irisé de sons distants et étouffés, la caméra lui faisant comprendre qu’il entend ce qu’entend le héros. D’ailleurs, le comédien a été privé de son ouïe pour plusieurs prises, conférant donc un réalisme certain à ces séquences.

En outre, le tournage a été réalisé en quelques semaines à peine, ce qui a amené l’équipe à mettre à profit chaque moment et à ne négliger aucune des scènes tournées. La réalisation s’est faite dans l’urgence mais aussi avec cette volonté de valoriser chaque instant, de le rendre unique – ce qui lui a été bénéfique puisqu’il faisait partie de la compétition officielle du festival de Deauville, a également séduit lors du festival de Toronto et était nominé dans de nombreuses catégories lors des Oscars 2021.  

Un grand merci à Tandem et à la Mensch Agency grâce à qui ce film a été vu en avant-première.

De : Darius Marder
Avec : Riz Ahmed, Olivia Cooke, Lauren Ridloff
Genre : Drame
Durée : 2h00
En salles le 16 juin 2021

Ils/elles en parlent aussi : Musiktrak. Projection publique. Arts culture évasions. Phantasmagory. Le cinéma du spectateur. Cinérama. La tentation culturelle. C’est contagieux. Trendys le mag. Watch buddy. Séries de films. Cinéphiles 44. 130 livres

Une réflexion sur “Sound of Metal, Darius Marder

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