Un récit bouleversant
Maryam est Nigériane et catholique. C’est elle qui relate son aventure, au présent, puis au passé, puis au présent, les temps semblant se superposer sans cohérence, tous décrivant la vie de la narratrice, toutefois présentée de manière linéaire. Le point de départ de toute son histoire qui, pourtant, existait avant la violence, la peur, le sang, la douleur, c’est son enlèvement par Boko Haram. Avec d’autres filles de son école, la jeune adolescente est séquestrée, mise au travail forcé, violée à de multiples reprises, puis mariée et engrossée. Elle dira à sa fille, Babby, qu’elle est trop jeune pour être sa mère. Une enfant avec une enfant, encombrée de cette présence trop lourde à porter, encore davantage dans la forêt où elle échoue après s’être enfuie. Les arbres sont menaçants, l’ombre les guette, elles et leur compagne de route. Les serpents, les baies empoisonnées, la faim, la soif, le désespoir et le rejet des leurs les attendent, autant d’embuches sur un chemin déjà sinueux et broussailleux.
Girl avant d’être victime
Edna O’Brien signe un roman fort et incisif sur ces filles arrachées à leur enfance et à leur innocence, emportées dans un monde rouge du sang et noir de la mort, des voiles. Même libérées, même échappées, leur vie d’avant n’est plus, souvenir doux, âpre parce que révolu. Les Jas Boys et les autres sectes islamiques n’auront de cesse de les rechercher, harcelant les villages, leurs familles, jusqu’à tuer ceux qu’elles aiment et les emprisonner de nouveau. Au récit de Maryam, Girl parmi les autres devenue victime parmi les autres, se mêlent les fragments de vie racontés par les autres hommes et femmes meurtris qu’elle croise sur sa route vers la lumière. Les phrases sont courtes, vives, parfois éclairées par une fleur ou un tissu, par les étoiles ou par un éclat de gentillesse. Le style est aussi rude que le vécu de l’héroïne, instaurant une distance étrange, paradoxale et dérangeante entre Maryam, qui ne cache rien, et le lecteur, démuni, désabusé, pantelant malgré tout. Étapes après étapes, vers la reconstruction, l’oubli, l’apaisement, lentement.
La photographie de l’enfant, à gauche de l’illustration de cette critique, est issue de cet article du journal La Croix.
Edna O’Brien – Girl
[Girl – traduit par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat]
Sabine Wespieser / Livre de Poche
2019 / Août 2020
240 pages
21 euros / 7,40 euros
Ils/elles en parlent aussi : Little Meggy. Un plaid, un thé, des livres. Deci delà. Les inspirations d’Angélique. À propos de livres. Les lectures d’Azilis. Le petit caillou dans la chaussure. Le blog de Yuko. Les yeux dans les livres. Mademoiselle Maeve. Le book club d’Emi. 1000 et 1 livres. Les créas de Mam’zelle Cat. Enna lit. Mille (et une) lecture de Maeve. Inside my library mind. Les élucubrations de Fleur. Tu vas t’abimer les yeux. Mot à mots
J’aime bien Edna O’Brien mais là je vais passer mon tour…
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Je comprends… Girl permet de prendre la mesure des actes de Boko Haram mais c’est un roman dur et paradoxalement assez froid.
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J’aimerais beaucoup le lire parce que ce sujet me parle. Il doit être très dur par contre. Merci Cécile pour cette chronique riche en émotions ! 😊
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Il est dur, certes, mais la mise à distance opérée par Edna O’Brien le rend moins rude, et aussi peut être un peu moins juste – ou moins touchant en tout cas.
Merci à toi ! 🙂
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Un livre que je souhaite lire depuis un moment, des que l’occasion se présentera et que mon moral sera plus positif…
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Oui, en effet, ce n’est pas un livre à lire en période de déprime…
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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Ton commentaire n’est pas mitigé si je peux me permettre mais plutôt élogieux …
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Parce que c’est un tel hommage que je ne pouvais pas être négative mais le style sec, la conjugaison aléatoire des verbes et cette mise à distance m’ont gênée.
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Ouh là là je ne pourrai absolument pas lire ça …
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Il faut s’accrocher mais la mise à distance (paradoxale) aide à ne pas se laisser submerger.
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Il me tente bien. 😀
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Je suis mitigée mais c’est un livre à lire, sans doute davantage comme un récit que comme un roman.
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