Avant de vivre chez les Reese et de s’occuper de leur ranch, Horace n’avait connu aucune stabilité. Moitié Amérindien et moitié Irlandais, ce jeune adulte a honte de celui qu’il est, de ses origines, parce qu’on ne lui a jamais appris à se percevoir autrement que comme un moins que rien jusqu’à ce que Louise et Elton ne l’accueillent en échange d’un coup de main avec les moutons et les chevaux. Il a malgré tout envie de prendre son indépendance et surtout de réaliser son rêve – devenir un boxeur, devenir quelqu’un. Ce désir l’obnubile, le rend aveugle aux marques d’affection de ceux qui lui ont offert un foyer et une famille – la fierté lui sert le cœur et l’empêche de voir l’essentiel. La voie qu’il a choisie est semée d’embuches : les étapes qui jalonnent la vie d’un sportif amateur voulant prendre du galon et rentrer dans la cour des grands sont innombrables. Le moral et le corps d’Horace souffrent des coups bas de l’existence, des uppercuts de ses adversaires, de la solitude, tandis qu’Elton peine à s’en sortir sans son fils de substitution, sans celui qu’il considère aussi comme un ami. Les focalisations s’alternent, même si Willy Vlautin s’attarde bien davantage sur les atermoiements de son boxeur en herbe que sur les soucis du rancher.
Ses phrases sont courtes, descriptives, factuelles – très anglaises, en somme. Pour autant, il n’est pas difficile d’imaginer les étendues du Nevada, puis les ruelles de Tucson, les rings ployant presque sous le poids des cris venant des gradins, le Strip de Las Vegas, synonyme de chagrin et de désespoir comme il l’était déjà dans Les oiseaux morts de l’Amérique de Christian Garcin, ou même dans Le Chardonneret de Donna Tartt. La célèbre avenue et ses lumières étincelantes semblent glacer les auteurs, dépouiller de toute lueur naturelle les silhouettes qui l’arpentent, baignées d’une clarté factice. Sombre, Devenir quelqu’un dépeint une société où l’American Dream demeure un fantasme hors de portée pour beaucoup qui sont pourtant prêts à tout pour l’atteindre – même au pire. Willy Vlautin se repose sur ses dialogues, nombreux et toujours justes, délaissant ainsi la narration. Le style est sec, sans grande surprise, ce qui vaut également pour la construction simple et linéaire, mais le héros et son combat perdu d’avance sont touchants et la fin, abrupte, est étonnante.
Willy Vlautin – Devenir quelqu’un
[Don’t Skip It Out On Me – traduit par Hélène Fournier]
Albin Michel (Terres d’Amérique)
3 février 2021
304 pages
21,90 euros
Ils/elles en parlent aussi : Little coffee book. Les plaisirs de Marc Page. Books, moods and more. Manon lit aussi. Dealer de lignes. La page qui marque. Les miss Chocolatine bouquinent. La livrophage. Hop! Sous la couette. La culture dans tous ses états. Valmivoyou lit. Lettres d’Irlande et d’ailleurs. The cannibal lecteur. Mon coussin de lecture
Merci à toi, 💖
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J’avais adoré Motel Life de cet auteur 😍
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Un troisième titre de Willy Vlautin à découvrir alors 😉 merci du conseil !
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Avec plaisir ! Merci pour ce nouveau titre que je ne connaissais pas !
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Un roman qui m’a bouleversé notamment avec cette fin que je n’ai pas vu venir.. J’ai adoré et je suis heureux de voir que tu as aimé ce roman toi aussi Cécile. Passe une belle journée avec du soleil comme ici en Bretagne 😊🌞
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Oui je me rappelle de ta critique séduite ! Tu es l’une des raisons pour lesquelles j’ai lu ce roman d’ailleurs ☺ très bonne journée ensoleillée à toi aussi 🙃
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Le héros et les Reese sont touchants. Une belle histoire
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Oui, je suis d’accord avec toi.
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J’avais beaucoup aimé Ballade pour Leroy et tu me donnes envie de relire cet auteur.
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Décidément, que de titres de Willy Vlautin à noter ! Je vais regarder, merci 🙂
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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Ils ont « plein nord » à la médiathèque du même auteur … je tenterais bien …
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Je ne sais pas, c’était une découverte donc je n’ai pas lu Plein nord ! Mais je peux te dire que son style brut et sans fioritures, ses dialogues justes et ses personnages touchants concourent ici à créer une jolie histoire 🙂
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J’avais adoré La route sauvage du même auteur. Celui-ci est dans ma pile à lire. J’ai hâte de le découvrir!
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Je serais curieuse de découvrir ses autres titres alors je vais me renseigner sur La route sauvage 🙂 merci !
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Je l’avais adoré. Bonne découverte!
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😉
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tentent bien-sûr mais pour plus tard 🙂
j’essaie de résister pour améliorer ma PAL qui s’allège un peu maintenant ce sont les chroniques qui ne suivent plus (4 à rédiger !) 🙂
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Oui je pense qu’il te plairait.
Ah, tu touches au but ! 🙂
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