Ce chassé-croisé amoureux bercé par Satie, Debussy, Beethoven et Barber met en scène les choses qu’on dit, les choses qu’on fait – et le décalage entre nos actes et nos envies, nos ressentis, nos déclarations. Bâtie sur un principe d’emboîtement, cette réalisation d‘Emmanuel Mouret est empreinte de tendresse et d’un vibrant désir. Il filme avec beaucoup de talent la volatilité de l’amour, les étincelles bientôt flammes puis braises, encore chaudes, chardons ardents prêts à s’embraser de nouveau. Maxime (Niels Schneider) arrive chez son cousin (Vincent Macaigne), absent, et il est accueilli par sa compagne, enceinte, Daphné (Camélia Jordana). Pour briser le silence et la gêne de la rencontre, ils se confient leurs romances réciproques, les coups du sort et les coups de foudre de leur corps, malmenés par leur cœur. Les flashbacks prennent le pas sur le présent, menés par la voix off de celui qui raconte ses souvenirs. Les airs classiques rythment l’âpreté de l’amour platonique, du désir éphémère, exempt de sentiments pour l’un des deux amants, empli d’adoration pour l’autre. Les protagonistes se quittent et se retrouvent, toujours dans l’esprit de Daphné et de Maxime, leurs réminiscences entrecoupées de leurs échanges acérés sur l’alchimie qui fait battre les ailes des papillons dans notre ventre.
Après de nombreux rôles d’hommes mesquins et méprisants, dans Sybil ou encore dans Un amour impossible, Niels Schneider incarne cette fois un personnage touchant dans sa malchance, dans ses sentiments purs et vains. À ses côtés, revivant son passé amoureux, Camélia Jordana et sa voix cassée donnent vie à une jeune femme fêlée, pleine de contradictions – comme les autres. Et puis, en arrière-plan mais au centre de tout, il y a Vincent Macaigne et son air d’éternel paumé, le feu follet Jenna Thiam et ses idées bien arrêtées, Emilie Dequenne et sa blondeur sensible, d’une force fragile – César 2021 du meilleur second rôle féminin.
Avec une délicatesse et une douceur qui se retrouvent jusque dans les lents mouvements de la caméra, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait embrasse les codes d’une comédie romantique et les renouvelle, grâce à cette fine ironie malicieuse qui semble puiser dans les tragédies shakespeariennes, à cette poésie bavarde qui fait mouche, et à ce jeu de poupées gigognes.
De : Emmanuel Mouret
Avec Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne
Genre : romance, drame
Durée : 2h02
Actuellement sur Canal + à la demande
Ils/elles en parlent aussi : Rues des Douradores. L’émissaire. Le tour d’écran. MediaShow. Ciaovivalacultura. MHF le blog. Le onzième art. Culture aux trousses. Phantasmagory. Newstrum. La bouche à oreille.
J’ai vraiment beaucoup aimé ta critique et ce film sur le sentiment amoureux qui naît, grandit puis s’étiole au fil des jours. Cela m’a inévitablement fait penser à Rohmer, « Pauline à la plage » plus précisément.
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Merci beaucoup ! Je n’ai vu qu’Été de Rohmer, que j’ai trouvé beaucoup plus statique (notamment au niveau chronologique) que Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, mais je comprends ta comparaison, ton rapprochement de leur délicatesse poétique pour évoquer le sentiment amoureux.
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Je garde un très bon souvenir de ce film vu l’an passé.
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Oui c’est à la foix doux et âpre, un chassé croisé amoureux qui parvient à représenter la volatilité du désir et du sentiment amoureux.
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Prince Cranoir m’avait déjà conquise avec son avis et autant dire que tu viens t’y ajouter avec tout autant d’émotions, merci beaucoup !
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Merci à toi !
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Un joli rappel pour moi qui l’avait vu l’année dernière … Merci
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Merci à toi 🙂
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Merci Cécile 🙏
Tu nous parles si bien de ce film que je le regarderai avec plaisir.
Pour moi, Emilie Dequenne est une actrice très talentueuse.
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Merci à toi de ce compliment !
Elle incarne avec beaucoup de finesse et d’intelligence émotionnelle l’un des personnages les plus touchants de la réalisation, même s’ils le sont tous plus ou moins.
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Magnifique texte en l’honneur d’un film à la très belle sensibilité. Certes le style Mouret, on le voit dans les commentaires, peut paraître irritant, et je suis souvent le premier à m’en plaindre. Les trucs de films d’auteur français (surtout récents) en général m’agacent. Mais, comme l’illustre superbement Monsieur Mouret, il y a les choses qu’on dit, et les choses qu’on fait. Et lorsque le style devient une véritable signature, qu’il se teinte d’une réelle humilité comme c’est le cas de tous ses films, je suis ravi.
Merci beaucoup pour le lien. 🙏
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Merci beaucoup !
C’était le premier film de ce réalisateur que je voyais et j’ai été conquise. Sans doute regarderai-je un autre de ses longs-métrages si l’occasion se présente, en gardant en tête que son style m’agacera peut être… ou que, plus probablement, je le percevrai de la même manière que toi 🙂
J’ai aussi beaucoup aimé ta critique, que j’ai relue en te mentionnant, alors c’est un plaisir !
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🙏
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Afin de prolonger le jeu de hasard et de Mouret, pourquoi ne pas rendre visite à « Mademoiselle de Joncquières », ou quand de Diderot à Laclos prend le thé chez Marivaux.
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Je l’envisage sérieusement, d’autant plus qu’il est disponible sur Netflix ! Merci du conseil 🙂
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Dans ce cas Madame, il faut être à l’écoute de vos désirs et succomber à la passion. 😉
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😁
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J’ai ressenti ce film comme vous et c’est encore du bonheur de lire cette chronique si bien écrite. Merci et bonne journée.
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Oh merci beaucoup !
Bonne journée également.
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Je ne l’ai pas apprécié non plus… Trop verbeux et pourtant j’aime la sensibilité de ce réalisateur…. Je me suis ennuyée 🤔😉
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Ah, moi j’ai adoré 😅 j’ai beaucoup aimé la manière dont il dépeint la naissance du sentiment amoureux, du désir, et leur étiolement progressif. Mais je comprends que le manque d’action à proprement parler puisse déranger 😉
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Oui pas vraiment un manque d’action mais un manque de rythme plutôt et puis je n’étais peut-être pas sensible au sujet 😉
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Cela arrive 😉
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Bonjour Cécile, je ne suis sans doute pas aussi enthousiaste que vous sur ce film mais c’est un joli moment de cinéma. Les effets musicaux m’ont paru parfois un peu pompeux et grossiers (surtout Samuel Barber).
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La sensibilité du réalisateur m’a particulièrement touchée, c’est vrai.
Pour moi ils soulignent le côté un peu désuet de la réalisation qui l’assume tout à fait, mais c’est vrai qu’ils sont parfois trop présents. Je ne suis pas objective sur Barber, son adagio est l’une de mes pièces musicales préférées !
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