La lugubre lumière verdâtre qui baigne Blackwood n’en fait pas une lecture plaisante mais davantage un roman noir et sordide dans lequel se croisent des silhouettes décharnées hantées par les spectres de leur passé, par les morts et les épreuves. Michael Farris Smith crée une ambiance sombre, aux relents entêtants et insidieux, à l’image du kudzu qui engloutit les maisons et les hommes, vigne envahissant la petite ville de Red Bluff dans le Mississippi. L’auteur suit tour à tour Colburn, Celia, Dixon, Myer, le garçon et ses parents dans leur quête identitaire, dans leur lutte acharnée contre l’existence et contre les fantômes qui les visitent à chaque heure. Colburn, enfant, a vu son père se pendre ; Celia vit dans la maison de sa mère morte plusieurs années auparavant ; Dixon laisse peser sur ses épaules le poids d’un amour inassouvi et perdu, Myer subit le contrecoup des années et son impuissance malgré son statut de shérif. Quant à l’étrange famille d’étrangers qui vient déambuler dans les rues, porteuse d’un bien sombre présage, elle arrive de nulle part et ne véhicule aucun sentiment, si ce n’est haine de soi et des affres de la vie.
Aucun de ces protagonistes n’est réellement attachant, tous représentatifs d’une tranche sociale de l’Amérique, du Deep South, incapables de douceur et de tendresse. Ils portent une certaine misère en eux et sur leur dos, misère qui leur colle à la peau et les destine à une sorte d’agonie éternelle. Le kudzu qui avale la ville, la recouvre peu à peu, instaure une atmosphère étouffante, mystérieuse. Ainsi, avec Blackwood, Michael Farris Smith se frotte au Southern Gothic, genre littéraire typique des états du Sud qui flirte avec le fantastique, l’ « étonnante étrangeté » théorisée par Freud. Le style de l’auteur, à la fois haché et ample, résulte de ce même sentiment de familiarité dérangeante, de singularité coutumière. Il use et abuse de nombreuses phrases non-verbales, créant des énumérations entrecoupées de points, les participe-présents venant rythmer les pages, créer une dynamique étrange et aussi déroutante que le point de départ de ce roman, décidément trop atypique, lent et perturbant pour séduire un large public.
Merci aux éditions Sonatine et à NetGalley pour cette lecture.
Michael Farris Smith – Blackwood
[Blackwood – traduit par Fabrice Pointeau]
Sonatine
29 avril 2021
288 pages
21 euros
Ils/elles en parlent aussi : Un bouquin sinon rien. EmOtionS. Love in Books. Manon lit aussi. Ma voix au chapitre. Je me livre. Mon coussin de lecture. Aux bouquins garnis
J’éviterai ce Sud je pense. Même si, l’atmosphère et le contexte m’intriguent…
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C’est un roman intrigant, effectivement, étouffant, à la moiteur du Sud. J’ai regretté des personnages trop superficiels et pas attachants, un style littéraire très particulier auquel je n’ai pas adhéré et une action engourdie, même si cela ajoute finalement beaucoup à l’ambiance…
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Je le connais de réputation. Je n’avais pas entendu parler de ce livre. Je m’abstiendrais de le lire vu que tu n’as pas aimé 😉 Beau weekend ensoleillé Cécile 🌞😊
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Moi aussi je le connaissais de réputation alors la déception fut plus grande…
Ceci dit, peut être qu’il te plairait, tu aimes davantage les romans noirs, étouffants, que moi… mais je n’ai pas été emballée effectivement 🙂
Bon week-end au soleil à toi aussi Fred 😊
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C’est vrai que les romans noirs, sombres à la David Vann, David Joy.. me plaisent beaucoup. Je l’ai noté sur ma liste Babelio. Belle soirée à toi Cécile 😊
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Par roman noir, je voulais aussi dire qui tend vers le thriller, mais de même, je sais que tu aimes bien 🙂
Bonne semaine à toi Fred 😊
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je l’ai noté mais comme sonatine ma snobe je n’ai même pas essayé de le demander 🙂 non mais des fois snober un génie comme moâ !!!!
en lisant ta chronique j’ai moins de regrets 🙂
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Ils sont fous, en effet !
J’ai franchement été déçue, surtout que des critiques de ses romans précédents m’avaient vraiment mis l’eau à la bouche… tant pis 🙂
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J’ai bcp aimé ses deux romans précédents mais celui-ci ne me tentait pas du tout. Ton billet me conforte dans mon impression…
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J’avais noté son nom suite à une critique, peut-être l’une des tiennes d’ailleurs, mais j’ai été déçue par ce titre… par contre, si jamais un de ses romans précédents croisent ma route, pourquoi pas.
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Très intéressant, je me note ce titre. J’avais lu Nulle part sur la terre de cet auteur et il ne m’avait pas plus convaincu que ça mais là je dois dire que ta chronique m’intrigue pas mal
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Tant mieux si je t’intrigue, même si je n’ai pas été franchement convaincue 😉
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