C’est, croit-on, l’histoire d’un trio amoureux – du narrateur, d’une belle chasseresse nymphe des bois et d’un philosophe hardi. Errance dans la forêt, sous l’orage et la pluie, dans le tonnerre et l’ombre des arbres, ce roman est un poème en prose, poème qui s’étire sur près de trois cents pages, envoûtant et confondant. Fouad El-Etr est un barde, écrivain qui fait éclore des vers depuis cinquante ans et donne cette fois vie, comme en transe, à ce premier roman d’une beauté éthérée et singulière. Il revient sur sa jeunesse, sur cet automne entre amis, arrosé de gouttes, de sang, d’amour, de brume, dans une demeure nichée entre herbe et arbres millénaires. Diane est au cœur des attentions, aux yeux bleu chardon puis vert clairière, changeant sans doute d’identité comme le narrateur se glisse de rêves en souvenirs, du corps de son amante au sien, de son « je » propre à celui de son ami philosophe qui mourra en se jetant d’une tour, le vent se défilant et échouant cette fois à le soutenir.
Exigeant, d’une poésie délicate, fine, vibrant de sensations, vivant d’émotions, En mémoire d’une saison de pluie est semblable à ce titre mystérieux. C’est un livre sibyllin qui se lit à voix haute, comme une strophe au coin du feu, qui ne se pénètre pas, mais se vit davantage, invite à une promenade crépusculaire dans le brouillard où se dressent les troncs comme autant de piliers soutenant la voûte du ciel nuageux. Songe éveillé, brumeux et inaccessible à celui qui ne rêve pas, ce récit à la syntaxe aussi poétique que ses métaphores va et vient entre route affolante de montagne avalée par une voiture affolée, maison de famille peuplée de rires et de verres, d’affections changeantes, chambre de pensionnaire amoureuse, et présent, habité de fantômes, ceux d’Annie Leclerc et de Nicos Poulantzas, jamais nommés mais hantant l’auteur-narrateur qui dissémine des indices sur ces deux silhouettes le tourmentant encore. Fouad El-Etr le laisse deviner, ce livre est un hommage à ces deux disparus, un hommage à cette saison de pluie entre notes clapotant sur les feuilles tout juste tombées et croches s’élevant d’un piano spectral, automne qui vit naître sa vocation pour la poésie à laquelle il dédia son existence, fondateur d’une revue puis éditeur, ménestrel moderne, hypnotiseur et charmeur d’esprits des bois.
Merci aux éditions Gallimard pour cette lecture.
Fouad El-Etr – En mémoire d’une saison de pluie
Gallimard
6 mai 2021
304 pages
20 euros
Tu me donnes très envie de découvrir cet auteur. Tant de livres qui me tentent et trop peu de temps…
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C’est un livre très ardu mais pour qui aime la poésie, les longues phrases amples et enveloppantes, la forêt, alors c’est une immersion grandiose.
Ah je crois que nous connaissons tous ce problème…
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il devrait me plaire, je vais voir si je peux le trouver 🙂
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C’est une promenade poétique dans les bois bien davantage qu’un roman mais le style a une superbe notoire 🙂
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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