Au cœur du maquis sarde, les cultes nuridiques imprègnent toujours la Terre et les esprits, vivants et défunts, transformant la Sardaigne en île des âmes en peine… À plusieurs décennies d’intervalle, des meurtres rituels sont commis, la scène de crime ressemblant à s’y méprendre à un sacrifice. En pleine forêt, masque su boe, typique des traditions insulaires, sur le visage, la victime est à genou, en position de prière, recouverte de peaux de mouton, la gorge tranchée. Moreno Baralli, le policier chargé des deux enquêtes n’a jamais abandonné la collecte d’informations. À la retraite et sur le point de mourir, il confie tous ses souvenirs et toutes ses pistes aux deux nouvelles recrues du service affaires classées. Alors que Mara Rais, Cagliaritaine de souche, et Eva Croce, Milanaise tout juste débarquée du continent, tentent d’apporter un regard objectif au vieil homme à l’esprit affaibli, un nouvel assassinat est commis – le modus operandi est identique et tout laisse à croire que les cérémonies cultuelles ont repris, entraînant les deux enquêtrices dans un tourbillon méphistophélique aux accents de malédiction dionysiaque.
Piergiorgio Pulixi sait faire naître une atmosphère, nimber les arbres de volutes de brume, faire miroiter le sang sous le clair de lune, redonner vie à des mythes immémoriaux. Il sait aussi évoquer la mer et le ciel clair, le soleil et la douceur de l’air. Entremêlant les voix, l’auteur sarde alterne description de la nature, des cavernes et des bois inquiétants, dissimulés aux regards païens, et dialogues enflammés des policières. Tous leurs sens comme les nôtres sont éprouvés par les mots de Pulixi qui donne à son roman l’odeur ferreuse du sang mais aussi celle entêtante de l’humus et de l’humidité des souterrains. Outre son tempo jamais monotone grâce aux changements de focalisation, L’île des âmes donne corps à des personnages à la psychologie travaillée et au caractère bien trempé. Les deux femmes autour desquelles le récit gravite ont de la répartie mais aussi une histoire, un passé. Leur silhouette se détache clairement, lumineuse, sur le fond boisé où pulse le cœur de ce roman, l’origine de tous ses secrets. L’ambiance mystérieuse à laquelle ces pages offrent un écrin d’une moiteur étouffante enveloppe le lecteur pour ensuite mieux le laisser pantelant dans la questure – commissariat local –, soumis au rythme effréné imposé par l’urgence du métier. En créant des héroïnes forte tête, l’auteur fait penser à William Boyle et à son Amitié est un cadeau à se faire, signant lui aussi un roman étonnamment empreint d’un discret féminisme.
Merci aux éditions Gallmeister et au magazine Elle pour ce roman, lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices (notes GPL : 19/20)
Piergiorgio Pulixi – L’île des âmes
[traduit de l’italien par Anatole Pons-Reumaux]
Gallmeister
1 avril 2021
544 pages
25,80 euros
Ils/Elles en parlent aussi : Carnets de voyage et notes de lecture de Miriam. Les petites lectures de Maud. Anita et son book club, Les liseuses, Livresse du noir, Actu du noir, Le dit des mots, Encore un livre, Lire est le propre de l’âme. Tu l’as lu ? Books and martini. Legere ! Black novel1. Read look hear. Les vapeurs de l’est. La bibliothèque italienne.
Bonjour Ceciloule,
Superbe critique!
Je me manifeste un peu tard et peut-être que tu n’as plus tout en tête mais je suis assez d’accord. Le rapport à la description est assez intéressant on découvre un paysage truffé de petites touches évoquant la Sardaigne.
Je trouve que c’est très dynamique, les chapitres sont très courts, on passe d’un personnage à un autre, et la fin (petit bémol selon moi) est trop rapide.
D’ailleurs j’aurais aimé une suite sur la seconde intrigue (je ne sais pas si c’est prévu).
Ca se rapproche de William Boyle dans la construction et l’approche de l’humour (répartie des personnages, ligne directrice de l’histoire) je trouve que tu as raison.
A bientôt !
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Bonjour Maxime,
Effectivement, l’intrigue m’est un peu sortie de l’esprit. Par contre, je me souviens très bien de la personnalité des héroïnes et de la puissance d’évocation des descriptions de l’auteur qui ont l’air de t’avoir marqué également.
Je ne pense pas qu’une suite directe soit envisagée mais le duo de protagonistes est de retour dans un autre roman, L’illusion du mal.
Merci de ton passage et ravie que tu l’aies découvert 🙂
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Commentaire juste et superbe mise en scène cf photo 🙂
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Merci ! 🙂
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Alors convaincue par l’internationalisation de Gallmeister ?
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Eh bien écoute oui ! En tout cas plus par les deux premiers romans italiens du catalogue que par beaucoup de titres dernièrement. Et toi ?
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Cool alors.
Moi pareil j’ai vraiment beaucoup aimé, Un jour viendra je pense faire ma chronique d’ici peu 😉
C’est une réussite pour le moment.
L’île des âmes à l’air vraiment top avec un côté très nature de ce que j’ai pu lire 😉
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Ah top, je vais surveiller ça 😉
Oui, j’ai beaucoup aimé ! Il m’a davantage convaincue que certains polars américains de leur catalogue (Justice Indienne ou ceux de Peter Swanson par exemple)… Entre forêt, rites ancestraux et sang.
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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