Le procès de Spinoza, Jacques Schecroun

En tant que cofondateur de l’École Européenne de Philosophie et de Psychothérapies appliquées, Jacques Schecroun aime à se pencher sur les idées des grands penseurs de l’Histoire. Baruch de Spinoza, alias Bento puis Benedictus, naît à Amsterdam au XVIIème siècle dans le quartier juif de cette fourmilière cosmopolite et libertaire. Sa famille est très pratiquante et le quotidien est régi par le Shabbat, le Séder de Pessah, Hanoukka, la Pâque et les autres cérémonies religieuses qui font de cette zone de la ville un véritable microcosme soumis à la Loi et surtout à l’interprétation rigide qu’en font les rabbins et les notables de la communauté. Le procès de Spinozaévoque ainsi le lent cheminement de celui que l’on surnomme le philosophe de la joie, d’une judéité orthodoxe à une exégèse raisonnée et réfléchie, marquée par la pratique du doute méthodique telle que prônée par Descartes. Celui qui subit de nombreux revers dans sa jeunesse et fait face à une succession de deuils douloureux s’ouvre peu à peu aux théories fondatrices des Lumières, découvre une nouvelle manière de penser et de réfléchir au contact de certains intellectuels et de ses amis issus d’autres confessions. Sa remise en cause de l’interprétation du dogme fait nécessairement penser au schisme qui eut lieu au sein de la religion catholique le siècle précédent, aux 95 thèses de Luther et aux théories de Calvin. En tout cas, Spinoza tente d’amener lumière et raisonnement là où traditions millénaires et aveuglement communautaire triomphaient, se demande si la victimisation ne conduit pas à de nouveaux revers, si la haine n’est pas à chercher en soi avant de la reconnaître chez les autres. Ses interrogations renvoient à notre présent, interrogent notre perception de l’autre et nos rapports aux croyants qui défendent des idées différant des nôtres.

Jacques Schecroun parvient à évoquer le parcours d’un grand homme et l’évolution de ses idées sans trop complexifier ce revirement idéologique. Il décrit l’atmosphère poussiéreuse et refermée sur elle-même qui était celle de Vlooienburg où Rembrandt a également vécu et qu’Oriane Jeancourt-Galiani racontait aussi dans La femme-écrevisse ; il évoque des rabbins et des marchands, des notables de la communauté juive et prend soin de préciser dans sa postface ce qui est véridique et ce qui ne l’est pas, ce livre étant un roman – ou plutôt une fiction historico-philosophique. Pour pouvoir saupoudrer le texte de citations de Spinoza lui-même, l’auteur adopte un style vieilli et une grammaire parfois ampoulée, ce qui permet aux phrases du philosophe de s’insérer sans mal, sans détonner. Malgré quelques longueurs, ce récit permet donc de s’immerger dans une période historique et un mode de pensées qui nous sont inconnues et qui ne sont pas sans rappeler les usages dépeints dans Unorthodox, minisérie pourtant située dans le New-York du XXIème siècle.

Un grand merci à Jacques Schecroun et aux éditions Albin Michel pour cette lecture enrichissante.

Jacques Schecroun – Le procès de Spinoza
Albin Michel
31 mars 2021
352 pages
21,90 euros

5 réflexions sur “Le procès de Spinoza, Jacques Schecroun

  1. la philo n’est pas trop ma tasse de thé d’habitude mais pourquoi pas? J’ai fait des choix de lectures plus incongrus déjà…
    Et en plus j’aimerais bien retrouver l’atmosphère de l’époque qui m’avait tant plus dans « La femme écrevisse » 🙂

    Aimé par 1 personne

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