Joan est costumière, mais c’est aussi et avant tout la gardienne de l’armoire, d’où le titre anglais de ce roman (The Wardrobe Mistress). En effet, tout juste veuve alors que s’ouvre ce livre de Patrick McGrath, elle sera hantée par l’esprit de son mari, Charles Grice alias Gricey, qui, est-elle persuadée, habite la penderie où se balancent doucement ses costumes encore imprégnés de son odeur, poussés par le souffle de son fantôme. Comédien du répertoire classique, Gricey a transmis sa vocation à sa fille Vera qui, malgré quelques épisodes d’hystérie, marque la troupe et les spectateurs de sa présence envoûtante, parfois sous le regard encourageant de sa mère, toujours sous les yeux enamourés de Julius, son époux. Entre deux soirées au théâtre, Joan se défait peu à peu des habits de Gricey, les transmettant à celui qui reprend son rôle dans La nuit des rois de Shakespeare, véritable incarnation du défunt, Dan Frank. Tous ces personnages gravitent autour des scènes et des loges, semblent tirer leurs réactions d’une pièce britannique, oscillant entre folie et destin tragique sur fond de période historique. Le Londres de 1947 où tous errent est défiguré par le Blitz, percé de cratères de bombes et de ruines. Les fascistes n’ont d’ailleurs pas disparu des rues de la capitale anglaise malgré la défaite du IIIème Reich et les Chemises Noires continuent à organiser des rassemblements sous l’égide du funeste Oswald Mosley.
Patrick McGrath mêle ainsi plusieurs voix narratives pour évoquer la société londonienne d’alors, jamais bien loin des salles obscures – Vera et Dan Frank pour l’immédiateté des représentations, l’ambiance étouffée des coulisses qui rappellent Le bal des ombres de Joseph O’ Connor et Le grand jeu de Graham Swift, l’atmosphère assourdie devenant étouffante ; Joan pour le veuvage éploré, la folie féminine qui guette ; Julius pour la dimension politique. Le passé simple, l’imparfait et le présent se superposent : si une certaine logique dans leur utilisation paraît émerger, elle est vite balayée et cet usage erratique des temps donne un côté brouillon au roman. Cela vaut également pour la multiplication des focalisations, le discours indirect libre qui confine au flux de conscience et la présence étonnante d’une narration utilisant le « nous », le Chœur des femmes commentant certains événements et certaines pensées des personnages.
Merci à Actes Sud qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.
Patrick McGrath – La costumière
[The Wardrobe Mistress – traduit par Jocelyn Dupont]
Actes Sud
11 mars 2021
336 pages
22,50 euros
9 réponses sur « La costumière, Patrick McGrath »
Je suis en train de le lire. Pour l’instant ça me plaît. Affaire à suivre donc.
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Bonne lecture dans ce cas !
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Ah zut ça avait l’air prometteur mais je passe si tu n’as pas été emballée.
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Pas emballée du tout… mais peut être que tu le serais davantage 🙈 il y a très peu d’avis en plus.
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Ah … brouillon, hum
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Je ne le conseille pas vraiment…
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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encore une tentation à l’horizon on dirait 🙂
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Je n’ai pas été emballée, peut être le seras tu davantage… 🙂
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