L’oiseau moqueur, Walter Tevis

Bob Spofforth, Paul Bentley et Mary Lou – trois personnages dans un futur bien sombre et pourtant pas si éloigné de nos préoccupations actuelles. 2467, les hommes sont désormais des zombis abrutis de substances chimiques qui engourdissent leurs neurones, paralysés devant les écrans de Télévision qui diffusent couleurs hypnotisantes et Musak relaxante. La lecture n’existe plus. Les robots ont colonisé les villes. Spofforth est le dernier représentant de sa catégorie : automate de Classe 9, il a l’apparence d’un être comme les autres mais ses lobes d’oreille noirs et la santé de son corps ne trompent personne : son cerveau est de métal et sa chair ne souffre pas des ravages du temps.

Ces silhouettes mécaniques sont devenues plus sensibles, sentimentales et réfléchies que les représentants de l’Humanité en déclin – en tout cas, Spofforth et sa triste solitude témoignent de son intelligence humaine et sociale là où hommes et femmes errent, regards ahuris et épaules tombantes. Mais Paul a redécouvert les livres et l’écriture. Sa rencontre avec Spofforth le mène vers son destin, éveillé à la vie par la poésie, la fiction et le cinéma muet dont il doit transcrire les cartons, mettant en danger le fragile équilibre d’ignorance sur lequel est bâti leur communauté égocentrée.

Ce roman de Walter Tevis date de 1980 et fut originellement publié sous le titre L’oiseau d’Amérique. Dystopie aux accents de Fahrenheit 451 et du Meilleur des Mondes, il offre un regard lucide sur la société de consommation, l’égocentrisme et la vénalité qui gangrènent peu à peu, de plus en plus, l’espèce la plus évoluée de la Terre. L’individualisme prime sur l’amour, terme qui n’a plus court dans ces villes où les rapports sociaux sont inexistants, où la famille n’est pas une notion connue, où rien ne sert de vivre ni même de penser. Malgré la pertinence de son propos, l’auteur use et abuse des concepts créés sur-mesure pour L’oiseau moqueur – la Mort du Pétrole, temporalité scindée en jaunes et en bleus, sexe-vite-fait-sexe bien-fait… En cela, il se rapproche inévitablement de Ray Bradbury, d’Adlous Huxley et de George Orwell (1984) mais en créant une froide distance entre ses personnages et nous. Pourtant, la narration est à la première personne ou bien omnisciente, ce qui devrait instaurer une proximité mais le lecteur ressent une indifférence certaine quant à ce qui peut bien arriver aux héros qui se rapprochent finalement peu à peu d’une chaleur humaine, d’une humanité chaleureuse comme nous la connaissons – suivant le chemin inverse du nôtre et rejoignant l’idée d’une communauté quand nous laissons l’introversion de l’homme moderne continuer son saccage.

Un grand merci à Lireka pour ce roman, lu dans le cadre de notre partenariat.

Crédits photographie : la planche illustrée de robots est signée Rocio Bonilla.

Walter Tevis – L’oiseau moqueur
[Mockingbird – Michel Lederer]
Gallmeister (totem)
7 janvier 2021
336 pages
10,40 euros

Ils/elles en parlent aussi : Nuages d’ouvrages. Arckhangelos. Le blog des livres qui rêvent. Lottes of books. Read look hear. Blacknovel1. Isalire. The unamed bookshelf. Les passions de Marion. De livre en livre. Mon coussin de lecture

4 réflexions sur “L’oiseau moqueur, Walter Tevis

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