Carole Zalberg a une écriture chantante, toute en finesse et en nuances. Elle rejette le verbe juste avant le point, aime à placer les compléments avant le prédicat, à alterner longs énoncés et phrases elliptiques. Elle commence par une narration à la première personne, raconte la malaise et le mal-être, les premiers échecs. Puis elle alternera entre le « elle » et le « tu », créant une présence chaleureuse qui réconforte Melissa, son héroïne. Les premières pages brossent le portrait d’une jeune femme calme et un peu seule, à part, intelligente mais sans grande confiance en elle, de sa famille de petites gens à la capitale et sa foule fourmillante, bruissante – trop pour elle. Pensé avec délicatesse, ce personnage prend forme lentement avant de, brusquement, tomber sous la coupe de Marc, gourou du dimanche. Cette chute au sein du marasme, de la secte, arrive brutalement, mais reste plausible. La suite, par contre, tient du conte, de la fragile demoiselle qui soudain se rebelle et s’en sort, sans tambour ni trompette – ou presque. Ce premier tiers du roman laisse donc une impression mitigée, de réalité falsifiée : rien ne sonne vraiment juste dans ce groupe de fidèles dans l’ombre, masse ignorante et aveugle. Ce Marc et ses motivations sont brouillées, floues, sans véritables contours ni consistance.
Et puis c’est l’échappée, la libération, les grands espaces, l’Amérique et ses étendues, et son ciel immense, plus qu’ailleurs. Peu à peu l’auteure renoue alors avec la délicatesse du début de Tes ombres sur les talons, revient à la fébrilité de son personnage, recommence à tisser sa psychologie pianissimo. Chez Melissa, la reconstruction est parallèle à la construction : sa personnalité éclot après un choc, naît lentement alors qu’elle fend sa chrysalide – le traumatisme choisi n’est juste pas le bon, ou pas assez soigneusement relaté, bâti.
Merci aux éditions Grasset et à NetGalley pour cette lecture.
Carole Zalberg – Tes ombres sur les talons
Grasset
10 février 2021
144 pages
16 euros
Ils/elles en parlent aussi : Lili au fil des pages. Sonia boulimique des livres, Sur la route de Jostein
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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