Traverser la nuit, Hervé Le Corre

L’atmosphère de Traverser la nuit est particulière, le roman comme nimbé d’une lumière blême émergeant d’un rideau de brouillard. Hervé Le Corre sait écrire les heures sombres et les lueurs qui caressent la route ou les arbres, les néons qui aveuglent le pare-brise trempé ou le soleil qui perce d’épais nuages noirs. Évoluent aux alentours de Bordeaux trois personnages – deux hommes et une femme. Au contraire de certains polars, le lecteur ne comprend pas immédiatement le lien entre les protagonistes, les voit chacun mener leur vie indépendante l’une de l’autre, vies qui finiront par converger, seule certitude dans cette brume froide où l’auteur s’enfonce peu à peu. Les focalisations s’alternent, un chapitre après l’autre. Tous sont fatigués de mener la vie qu’ils mènent, espèrent l’éclaircie qui ne vient pas – la fin de la nuit qu’ils traversent.

Louise a trente ans et elle vit avec son fils dans un appartement qui serait chaleureux si l’ombre de Lucas, son ex, et de ses coups, ne planait pas sur eux. Jourdan, lui, est capitaine dans la police et ne parvient plus à enchaîner les enquêtes, à voir cadavre après cadavre. Les images s’enrayent et le hantent sans qu’il ne puisse faire face. Il est seul, déserte son foyer qui n’en est plus vraiment un. Le réconfort n’existe plus. Enfin, le dernier, Christian, entre en scène plusieurs chapitres après les deux autres héros avec qui il partage l’affiche. Il est haineux, traversé de pulsions.

Sombre sans beaucoup de soleil pour réchauffer ces pages, le roman d’Hervé Le Corre aborde une actualité brûlante dans un style sec mais imagé. Les phrases sont courtes, ce qui n’empêche pas les mots d’être justes, de frapper là où il faut. Glauque mais parfois étoilé d’un passager rayon d’espoir, Traverser la nuit est à l’image de son titre, dur, toujours, sordide, souvent, mais presque poétique dans la misère qu’il dépeint.

Merci au magazine Elle et aux éditions Rivages pour ce livre, lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices (note GPL : 17/20)

Hervé Le Corre – Traverser la nuit
Rivages noir
20 janvier 2021
320 pages
20,90 euros

Ils/elles en parlent aussi : Actu du noir, Livresse du noir, La flibuste des rêveurs, Aire(s) libre(s), La livrophage, FrenchWineLove, Garoupe, Pause polars, En lisant, en écrivant, Noir au carré, Vagabondage autour de soi

11 réflexions sur “Traverser la nuit, Hervé Le Corre

  1. Bonjour,
    Vous trouverez sur broblogblack un papier sur Traverser la nuit d’Hervé Le Corre qui viendra compléter votre post.
    https://broblogblack.wordpress.com/2022/08/06/8133-essayer-declairer-les-tenebres-herve-le-corre/
    Cet ouvrage est en lice pour le Trophée 813 du meilleur roman francophone de l’année 2021.
    Merci pour vos conseils de lecture.
    Bel été lisez !
    François Braud
    Le CDAP, Contre Dictionnaire Amoureux du Polar, c’est là :
    https://broblogblack.wordpress.com/2022/08/01/contre-dictionnaire-amoureux-du-polar-lettre-c-partie-2/

    J’aime

  2. Bonjour. Merci pour cet article ! Je viens juste d’achever ce roman qui m’a bouleversé. Je suis d’accord avec vous sur l’oxymore traversant ce livre qui parvient à conjuguer si bien la noirceur avec la poésie. La marque des grandes tragédies ! Désespérant, certes, mais si addictif ! Bien cordialement.

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