La vengeance m’appartient, Marie NDiaye

La plume de Marie NDiaye est à la fois légère et lourde, d’une lourdeur ampoulée, verbeuse, désuète. Son héroïne, Me Susane, a quarante-deux ans et elle est avocate. Hantée par le souvenir d’un après-midi passé dans la chambre d’un garçon qui l’a révélée à elle-même et à sa vocation, elle s’interroge sur son nom, acculée alors que le mari d’une future cliente se présente à elle, son patronyme lui rappelant vaguement mais de manière lancinante celui de l’adolescent de cet épisode si marquant de sa jeunesse. Avant cette quête, ses parents l’admiraient, ne voyaient pas que sa réussite n’était qu’une façade et que sa carrière était loin d’être celle de la brillante légiste qu’ils espéraient la voir devenir. Elle a réussi socialement – en apparence – mais son passé la rattrape quand ce n’est pas le reflet d’une crainte hautaine chez Sharon, sa femme de ménage mauricienne.

La vengeance m’appartient est un roman assez brouillon où les sujets se mêlent sans vraiment qu’une histoire ne se dessine. L’auteure emmène son lecteur quelque part mais où et pourquoi, est-il en droit de se demander. La focalisatrice est une femme qui n’a pas confiance en elle mais jamais n’est-elle réellement touchante : elle lui reste étrangère, l’agace par sa mollesse et ses atermoiements futiles et sans conséquence. Ceux qu’elle croise gravitent paresseusement autour d’elle, dénués de couleurs ou de caractère – tout juste sa cliente la meurtrière a-t-elle droit à quelques pages d’un monologue confus et rythmé par des « mais » en pagaille que d’aucuns sauteront, exaspérés par ses phrases ainsi entrecoupées. D’ailleurs, pourquoi a-t-elle assassiné ses enfants ? À cause de son isolement, de son mari qui l’a conduite à se reclure ? Cela reste finalement assez accessoire alors que l’auteure avoue dans une interview pour Télérama être partie d’un long-métrage sur l’infanticide féminin qu’elle écrit pour Alice Diop. Ce sujet l’intrigue beaucoup et elle a fait beaucoup de recherches sur ces mères attentionnées, tendres qui, soudainement, partent en vrille et commettent l’irréparable. Peut-être Marie NDiaye a-t-elle souhaité écrire un livre féministe qui dénonce l’influence des hommes sur le deuxième sexe, peut-être pas. Toujours est-il qu’il s’agit d’un récit plat, sans réel but et bien fade.

Marie NDiaye – La vengeance m’appartient
Gallimard
7 janvier 2021
240 pages
19,50 euros

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31 réflexions sur “La vengeance m’appartient, Marie NDiaye

  1. Aïe, en effet « ampoulée, verbeuse, désuète », ça ne fait pas beaucoup de plaisir de lecture… et je vois dans les commentaires que bien d’autres lecteurs et lectrices partagent ton point de vue. Il est vrai que rien n’est fait pour rendre le personnage sympathique ou attachant, ça peut freiner…

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  3. C’est drôle de voir comme les avis et les ressentis divergent. Pour ma part, si on ne s’attache pas au personnage, j’ai apprécié l’écriture du roman et s’il m’a déroutée, il m’a aussi ensorcelée. Je l’ai trouvé puissant. Il offre différents chemins de lectures. Le chemin n’est pas balisé. Cela en fait un roman particulier où le brouillard demeure et chacun tire ses propres conclusions. On aime ou on s’y perd. https://blogapostrophe.wordpress.com/2021/07/04/la-vengeance-mappartient-de-marie-ndiaye/

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      1. Merci Ceciloule-pamolico pour votre commentaire. Ce roman ouvre le débat en tout cas et ne laisse pas insensible. Certains livres n’ont pas ce mérite. Après je pense aussi que certains lecteurs ont besoin de s’attacher aux personnages pour apprécier un roman, ce que je comprends tout à fait et de savoir où ils vont. Celui-ci peut désemparer. Pour ma part, j’aime être déroutée du moment que c’est bien écrit.

        Peut-être aimerez-vous un autre de ses romans, ils ne sont pas tous sur le même modèle j’imagine.

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  5. Catherine

    Votre critique me rassure. Je n’ai pas du tout aimé ce livre et suis très surprise par le battage médiatique dont il bénéficie.
    Le style est bon certes, mais pour le reste ? C’est douloureux de lire un roman dans lequel tous les personnages sont détestables. Il y a ZERO empathie entre eux et on n’en ressent aucune pour eux.
    En outre, c’est un peu facile de se servir des problèmes de mémoire du personnage principal, du flou entre rêve et réalité, pour s’absoudre de toute cohérence dans l’histoire et dans le comportement des uns et des autres…

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  6. Bonjour, je rejoins votre avis. Pour ma part quelque chose m’échappe. Je ne connaissais pas du tout l’auteure. Il se trouve qu’à la faveur d’une publication sur FB j’ai su qu’elle demeure pas loin de chez moi. J’ai envisagé la rencontrer. Mais j’ai préféré livre son livre au préalable. Quelle déception ! Je ne comprends rien à tout ce fouillis, cet amoncellement de mots, comme si l’on avait balancé ceux du dictionnaire et tenté d’en faire des phrases. Je me trouve ridicule à écrire ceci mais je suis tellement déconcertée. Marie NDiaye fait l’objet de nombreuses interviewes et toutes sont…élogieuses. Je vais tenter de faire une chronique mais avec beaucoup de difficulté.

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    1. Je comprends tout à fait et je partage. C’est vrai que je suis déconcertée aussi par les critiques très élogieuses de la presse, peut être témoignant d’un certain intellectualisme ? Je ne vois pas vraiment ce qu’on peut trouver à ce livre (à part pouvoir y aposer notre propre univers comme le soulignait Matatoune, et encore) qui, comme vous le dites, ne va nulle part et s’éparpille sans but.
      Bon courage pour la rédaction, j’irai vous lire !

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      1. Merci pour votre réponse, je craignais d’avoir été un peu trop « brute de décoffrage » comme on dit. J’ai pensé aussi à cet « intellectualisme »…Mais encore une fois je me sens un peu perdue. J’adore Modiano, j’adore Duras. On pourrait en dire la même chose et pourtant non je ne crois pas. Quelque chose m’échappe vraiment. Ma chronique est faite et elle est nulle. Je n’y arrivais pas.

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      2. Pas du tout !
        Oui, c’est vrai que j’aime aussi certaines plumes un peu difficiles d’accès, mais pas celle là… tant pis, il y a tant de romans qui paraissent en cette rentrée littéraire d’hiver que je ne m’en formalise pas 🙂 (et comme je le dis sur votre blog, votre critique n’est pas nulle !)

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