Virgin Suicides retrace davantage l’histoire d’une obsession que celle de personnages. Tout le roman de Jeffrey Eugenides repose sur une très nette opposition entre « nous » et « elles ». Le narrateur ne se nomme pas, il se contente de raconter ce que lui et son groupe d’amis ont vu. Il évoque l’histoire des Lisbon, famille de sept dont les filles se suicident toutes, les unes après les autres. Depuis la maison d’en face, les garçons observent, espionnent, à l’image du L. B. Jeffries de Fenêtre sur cour. Les cinq adolescentes semblent évoluer dans une cage ou dans un aquarium, scrutées par ceux qui fantasment sur ces cinq visages pâles auréolés de cheveux blonds, se confondant tous dans leur esprit de préadolescents aux hormones chatouilleuses. Elles vivent dans un huis-clos que le lecteur imagine étouffant, presque insupportable. Mises sous cloche peu à peu par leurs parents après la mort de la benjamine, le roman se resserre de plus en plus autour d’elles, laissant présager d’une issue bien sombre.
Pour autant, si le ton cynique du narrateur laisse transparaître l’horreur du destin de Therese, Lux, Bonnie, Cecilia et Mary, la rue et les murs qui les isolent de ceux qui les voient créent une distance entre elles et le lecteur, distance accentuée par l’humour noir qui imprègne le récit. Semblables à des spécimens soumis à des expériences psychologiques, elles frôlent la vie sans pouvoir la goûter, apparaissent dans un couloir de leur lycée avant que l’ombre de leur professeur de père ne les rappelle à l’ordre, effleurent les mains des garçons qu’elles croisent et rêvent d’embrasser. Elles se bercent de musique et d’illusions pour oublier, extra-terrestres lointaines à l’existence bien terne. La maison se décrépit peu à peu, les rapprochant de l’inévitable, comme sentant que ses petites habitantes n’en ont plus pour longtemps à lutter pour une vie dont elles ne veulent pas…
Jeffrey Eugenides – Virgin Suicides (The Virgin Suicides)
Points
254 pages
7 €
Ils en parlent aussi : Les petits mots d’Aurélie, Illégitimes
14 réponses sur « Virgin Suicides, Jeffrey Eugenides »
[…] s’illuminer les unes après les autres à la nuit tombée, à la manière des narrateurs de Virgin Suicides. Ces moments passés dans l’intimité chaleureuse et enfumée de la voiture de Maeve agissent […]
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Le film est le meilleur de Sofia Coppola qui s’est inspiré de ce dernier. C’est étouffant mais Kirsten Dunst y est incandescente et la musique de Air splendide. 🙂
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Il paraît ! Il faut que je le cherche et que je le trouve 😉
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Roman formidable, et Middlesex du même auteur à déguster également
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Il est mentionné sur la couverture de mon exemplaire et je m’étais dit qu’il fallait que je me renseigne, alors tu me donnes une raison de plus de le faire 🙂
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Une intéressante analyse qui donne envie de lire le roman, comme beaucoup, je n’ai vu que le film dont la musique était envoutante si je me souviens bien.
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Merci ! J’ai aperçu pas mal d’articles sur la bande son qu’il faut que j’écoute, à défaut de trouver le film sur une plateforme 🙂
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J’ai vu le film il y a longtemps; le roman ne sera donc pas une priorité mais si je tombe dessus, je ne dirais probablement pas non à un petit rafraîchissement de souvenirs…
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🙂
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Je retrouve dans cette description du roman la teneur du film de Mrs Coppola. Très envie de me plonger dans ce roman désormais.
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Et moi je regarderais bien le film 🙂
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J’avais beaucoup apprécié le film de Sofia Coppola (son premier je crois bien), et du coup votre article me donne envie d’en connaître la source, merci beaucoup, très bonne soirée
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Quant à moi, le roman m’a donné envie de découvrir le film…
Merci à vous et bonne journée
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🙂
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