Pastorale américaine, Philip Roth

Pastorale américaine ou le rêve américain en action, la lente déchéance après le succès fulgurant, le délitement inévitable d’un paysage édénique où les vaches paissent devant une ferme en pierres habitée par une famille heureuse. Seymour Levov – alias le Suédois –, est gantier comme son père avant lui. Il est juif, comme son père avant lui. Mais après lui, sa fille ne mettra jamais ses pas dans les siens. Meredith, Merry, est la cause de l’effondrement du foyer, de son délabrement progressif. À cause de son méfait et de sa disparition, alors qu’elle a tout juste seize ans, sa mère ne sera plus jamais la même, elle s’éloigne des siens et du monde, elle se détruit pour espérer se reconstruire ailleurs. Quant à Seymour, il regrette, ressasse, espère, s’interroge, fulmine. Le narrateur, un ancien admirateur de Seymour alors que ce dernier était encore l’athlète du lycée, quitte peu à peu son « je » pour adopter la perspective du Suédois, pour se glisser dans sa tête, dans sa vie. Après une rencontre fortuite et après avoir appris l’impensable, il imagine ce qui a pu se dérouler, ce qui a pu percuter Seymour de la sorte, enflammer son cœur et son corps.

Le roman ne suit pas une chronologie linéaire, ce sont davantage des épisodes marquants de la vie des Levov. La narration vagabonde au fil des pensées de Seymour, de ses souvenirs, elle s’accroche à ses songes qui du « il » passent au « je » avant de revenir à des événements plus prosaïques et plus concrets, plus éloignés des circonvolutions de l’esprit de notre héros. Les réminiscences heureuses ont disparu, dissipées comme des mirages par la violence et l’amertume, la désillusion. Ne restent que la triste réalité du monde et la réalité créée par un cerveau malade d’espoir et de douleur. Les phrases filent souvent sur plusieurs lignes, interrompues par des dashes et des parenthèses, par des guillemets et des points virgules. Parfois, elles sont courtes à l’excès et non-verbales. Anaphores et épiphores rythment les pages de Pastorale américaine comme autant de rappels qu’un homme divague mais surtout rumine. Le temps s’étire, le passé reprend vie grâce à l’imagination du narrateur et à son intelligence humaine, à sa capacité à quitter son enveloppe charnelle pour pénétrer celle d’un autre qui a souffert. Malgré quelques longueurs, l’ironie teintant les dialogues, l’habilité à saisir le tourment humain et la maîtrise d’une structure si décousue font de ce livre, sixième volume du cycle Nathan Zuckerman (mais pouvant être lu indépendamment), un grand roman américain lauréat du prix Pulitzer.

Philip Roth – Pastorale américaine (American Pastoral)
Folio, 2001
592 pages
9,70€ sur Les librairies indépendantes

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16 réflexions sur “Pastorale américaine, Philip Roth

  1. Ping : Apaiser nos tempêtes, Jean Hegland – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Flaubauski

    Il est dans ma liste à lire des romans de Philip Roth, mais je m’attelle d’abord à La tache, dès que j’ai terminé ma lecture en cours. Ce que tu en dis en tout cas fait envie, même malgré la précision sur les longueurs.

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