Sorte de Thelma et Louise à la française, de Sugar Run baigné par la Manche, Cheyenne et Lola met en scène deux femmes, l’une d’une bonne trentaine d’années qui sort tout juste de prison et l’autre qui émerge de la vingtaine et débarque de la capitale. La première a une coupe à la garçonne, des tatouages fins et ondulants sur le torse et le dos, un look pratique et peu féminin. La deuxième est pimpante, fraîche comme la rosée et mignonne comme un cœur quand elle ne s’habille pas d’un jogging trop grand et d’une doudoune qui détonne. Ces deux femmes que tout oppose en apparence se rencontrent à un meeting de positive-coaching animé par Danny, le petit-ami de Lola – Cheyenne est quant à elle sa femme de ménage. Quand elles se croisent pour la première fois, la jolie féminine regarde d’un air condescendant celle qui se cache derrière un masque froid et figé, sans soupçonner qu’elles deviendront amies et même plus. Après un meurtre commis par l’une, de circonstances en circonstances, elles se fréquentent, s’aident et apprennent à s’apprécier. Elles font front commun dans cette ville côtière gangrenée par la corruption et qui n’a rien du charme de la Côte d’Opale – pluie et grisaille, ferries dont les cornes de brume résonnent dans le brouillard et caravane dans les dunes. C’est là qu’habite Cheyenne et que Lola viendra bientôt passer ses journées, organisant leurs trafics en tout genre et discutant de trucs de filles sur le toit, le regard vers la mer.
Cette série de huit épisodes intenses s’attaque à plusieurs sujets polémiques et particulièrement durs : pauvreté, immigration illégale, réseaux de prostitution, maltraitance. Le visage rayonnant de Charlotte Le Bon (Lola) et les rares sourires lumineux de Veerle Baetens adoucissent malgré tout l’aspect social profondément ancré dans la réalisation – la scénariste, Virginie Brac, avait à cœur de ne pas « faire du Ken Loach. [Elle] cherchai[t] une dynamique différente, plus joyeuse, plus explosive. ».
La sœur de Cheyenne est mère célibataire et multiplie les bourdes, en femme-enfant qui n’a pas réussi à s’échapper de son statut de petite sœur, éternelle gamine aspirant à des rêves de reines et de princes charmants. C’est sans doute la seule fausse note de la série : le jeu de Sophie-Marie Larrouy sonne faux, trop aigu ou hystérique – toujours est-il que sa présence souligne la justesse du ton des autres acteurs. Charlotte Le Bon a perdu ses inflexions québécoises mais pas sa morgue : elle excelle en fillette grandie trop vite, multiplie les moues à la Villanelle (dans Killing Eve) et son humour pétillant émousse l’âpreté cruelle de la réalisation du flamand Eshref Reybrouck dont l’accent a déteint sur Veerle Baetens. Ce drame social n’en est pas moins dur, mais il est auréolé d’une timide lumière glauque qui ne demande qu’à se réchauffer. Les épiphanies ne durent pas et la rudesse rattrape bien vite les héroïnes mais le spectateur ne se décourage jamais et suit chacun de ces épisodes haletants qui retracent les péripéties des deux femmes, profondément attachantes.
A voir sur OCS !
Ils en parlent aussi : Media Box, Cinétib, Culture vsnews, Sur nos écrans, Les chroniques de Cliffhanger et Co
A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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