Quoi que l’on pense de ce livre, mélopée funèbre, ce n’est pas un roman. Il détonne donc dans le carré final du Goncourt, couverture jaune qui attire l’œil et interroge tout autant que le texte en lui-même.
Camille de Toledo rend hommage à son frère, ce frère aîné qui s’est suicidé en 2005, s’exprimant à la première personne mais se désignant aussi par « le frère qui reste » – par opposition au « frère qui se pend ». Il revient sur les générations qui les ont précédés, les lient à eux, à la manière d’un fil d’Ariane qui serait cette fois non pas libérateur mais empoisonné – la corde du pendu devenant celle qui enserre le cou du « survivant », qui le cloue au sol, l’empêche de bouger. L’arbre généalogique devient un labyrinthe, un labyrinthe d’où personne et surtout pas Thésée, « le frère qui reste », ne peut s’échapper. Se dégager de son ascendance, fuir le passé, n’est qu’un rêve illusoire auquel il faut renoncer. Les racines comme futur, le passé comme destin, voilà ce que regrette l’auteur à chaque ligne de ce livre si étrange. Cycle infini, la vie se répète, sorte d’Ouroboros infernal, de dédale méphistophélique. La seule raison de ce titre, Thésée, sa vie nouvelle, réside en cette référence au Minotaure et à son domaine, ce que d’aucuns trouveront dommageable puisque ce héros grec ne se limite pas à cette seule légende.
Les pages sont vides, le blanc du papier côtoie le noir du texte, l’italique des vers jetés sur la feuille joue avec l’espace, avec les photographies qui rythment l’histoire, l’histoire des Toledo. C’est une démarche intime, narcissique, trop pour être partagée, comme l’était Courir encore d’Olivier Vojeta. Un deuil pour ces deux livres, une même manière d’écrire sans lever la main, sans point, sans majuscule dans le cas de Camille de Toledo. Seuls les prénoms sont ici dignes d’une lettre capitale, agrippent le regard, bouée de sauvetage dans ces champs de ruines, de douleur, dans ce chant de désolation qui remonte les branches de l’arbre, se faufile jusqu’au début du siècle, creuse, cherche.
Ce roman est paru aux éditions Verdier.
La mosaïque à droite de la photographie est une mosaïque romaine du IVème siècle après J.C. (Vienne).
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Malgré le fait que tu n’aies pas apprécié, tu en parles très bien! Et maintenant que j’ai lu le livre, je comprends mieux tes mots.
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Merci beaucoup ! 🙂
Oui, c’est toujours plus parlant quand on connaît le roman en question.
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Samedi, direction ma librairie préférée ! Merci !
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Je trouvais ma critique plus négative qu’autre chose… mais de rien !
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étrange! mais pourquoi pas 🙂 après tout une fois que la morosité est là,cela ne peut être encore pire 🙂
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Certes…
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Il me tente celui-ci depuis sa sortie..😉
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Ah, je ne t’ai pas découragée alors ? 😅
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Quand l’intérêt vient comme cela spontanément je me fie à mon envie et puis ayant rencontré l’auteur il y a deux ou trois ans je suis curieuse de découvrir son écriture et son univers 🙂
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Hâte de lire ton ressenti alors ! 🙂
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