When they see us (Dans leur regard), Ava DuVernay

Dans le regard des policiers, des journalistes, des Blancs, ils ont commis l’irréparable. Ils sont Noirs ou Hispanique. Ils sont coupables.

Dans leur regard à eux, les victimes considérées comme criminels, on voit l’innocence, on voit l’insouciance qui se transforme en effroi, en douleur insupportable.

Violeurs, eux ?

Les Central Park Five ont été acculés et jugés en 1989. Parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment, parce que leur couleur de peau les rendait de facto suspects et donc coupables. En quatre épisodes d’un peu plus d’une heure chacun, à la qualité cinématographique, aux délicats jeux de lumière et aux images lentes pour montrer la détresse et la vulnérabilité extrême, Dans leur regard (When they us) retrace le destin tragique de ces cinq adolescents ayant entre 14 et 16 ans au moment des faits qui leur sont reprochés. Il y a Kevin, il y a Tron, il y a Ray, il y a Yussef, il y a Korey. Enfants quand le jugement est prononcé, on les voit grandir à l’écran, grandir trop vite et dans trop de violence, là où ils n’ont pas leur place. Les acteurs deviennent autres, les jeunes laissent la place aux adultes, le passage se faisant doucement, ou peut-être trop rapidement. Ensemble puis ennemis, à nouveaux unis puis rivaux, les cinq gamins voient leur vie ravagée par les dires de leurs alter egos et par le racisme sociétal, le racisme institutionnel qui gangrène les États-Unis. Leurs parents sont plutôt pauvres et aussi démunis qu’eux. Que peuvent-ils faire sinon prier ?

Notre pitié grandit pour l’un sans s’amenuiser pour l’autre, les scènes mettant tour à tour l’un des Central Park Five à l’honneur. Celui qui tourmente le plus, qui émeut le plus, c’est Korey. Korey qui avait seize ans, assez donc pour ne plus être considéré comme un enfant, lui qui était peut-être le plus fragile des cinq si tant est qu’un tel classement puisse être établi… Celui qui l’interprète une fois devenu adulte, Jharrel Jerome, affirme ne pas avoir encore guéri de ce rôle. Le casting en son entier est brillant dans tous les sens du terme.

Rarement une réalisation de quelle que sorte que ce soit aura été aussi bouleversante. Il y a eu Capharnaüm bien sûr, mais Nadine Labaki forçait notre compassion. Sans doute, Ava DuVernay, (la créatrice de Selma, aux manettes de cette minisérie), use-t-elle de certaines techniques similaires mais il s’agit avant tout d’un témoignage, de faits réels. Savoir que cette injustice n’est que le reflet de millions d’autres, avoir pour preuves des éléments factuels ne rend les images que plus poignantes, que plus déchirantes. Elles font pleurer. Elles rappellent que des innocents sont enfermés chaque jour – la procureure qui œuvra sur le cas des Central Park Five attaque d’ailleurs Netflix en justice…

Quelle idée brillante Raymond Santana a-t-il eu en demandant à Ava DuVernay par Tweet interposé si elle envisageait de raconter leur histoire.

La bande-annonce est disponible sur Allociné.

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