Le passage, c’est l’histoire d’un homme qui veut quitter la Turquie pour pénétrer sur le territoire syrien. Qui veut passer de l’autre côté de la frontière pour rejoindre l’armée libre. C’est aussi l’histoire du lent passage de la vie à la mort. La paralysie des membres, les derniers sursauts de volonté, puis l’inaction qui, insidieuse, gagne tout le corps et l’esprit. C’est l’histoire d’un deuil sans fin. C’est l’histoire d’hommes et de femmes qui sont comme bloqués dans un couloir, dans un passage, immobiles, englués dans leur chagrin, leurs contradictions. Rendus prisonniers de la guerre.
Elliot Ackerman a combattu en Irak et en Afghanistan et son expérience suinte du roman, le gorge d’amertume et de blessures toujours à vif. Ses héros, Haris, Amir et Daphne, n’ont plus la même vie depuis que les combats ont éclaté. Haris a quitté l’Irak, sa Nasirya, détruite, et a pu devenir Américain ; Amir et Daphne ont dû fuir Alep pour survivre, la ville continuant à aimanter la jeune femme qui ne parvient pas à faire le deuil de ce qu’elle y a abandonné, de ses souvenirs. Hantés par des réminiscences et des traumatismes, par des fantômes planant toujours dans leurs pensées, les protagonistes errent jusqu’à ce qu’un but se présente à eux et qu’ils ne puissent plus l’oublier, qu’ils ne puissent plus dévier : cet objectif leur devient vital – le perdre, c’est mourir.
L’auteur questionne la morale, les concessions et les accords tacites conclus avec nous-mêmes. Nous sommes seuls, toujours, même si les rapports humains sont bien souvent à l’origine de notre solitude. Ses phrases sont courtes et vives, simples et abruptes – rêches. Il raconte les conséquences de la guerre sans évoquer les combats, les cicatrices physiques – ou si peu. Il préfère s’attarder sur les ravages des esprits, sur la peine qui ronge les âmes. Si le lecteur est nécessairement bouleversé par les ombres des réfugiés qui flottent au sein de ces pages, par les douleurs lancinantes qui animent les héros, il contemple finalement de loin les actions des protagonistes, reste spectateur passif. L’émotion aurait pu davantage le saisir mais peut-être Elliot Ackerman a-t-il eu besoin d’une certaine mise à distance pour prendre du recul face à ses propres souvenirs.
Ce roman fut finaliste du National Book Award.
Merci aux éditions Gallmeister qui, en contribuant à enrichir aVoir-aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.
Ils en parlent aussi : Read look hear, Livr’escapades
Finaliste du National Book Award avec en plus ton avis très positif, je le rajoute à ma PAL Babelio ! Beau week-end Cécile 😊
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Disons que cette distance m’a un peu gênée mais c’est un roman plein de sensibilité malgré tout…
Beau week-end à toi aussi Fred 🙂
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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Une de mes prochaines lectures 😉
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J’étais justement étonnée de ne rien avoir vu passer sur ton blog à son sujet :p
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