Entre fauves, Colin Niel

Entre les Pyrénées et le bush namibien, entre les passionnés de chasse et les gardes de parcs nationaux, entre locaux africains et touristes à la richesse indécente, entre ours et lions. Entre fauves. Colin Niel croise les perspectives et joue sur deux temporalités : l’après et l’avant. Au cœur de ces focalisations et de ces aller-retours dans le temps, un lion à la crinière noire et à la longue cicatrice sur le flanc. Autour de lui gravitent une jeune Française à l’arc sûr, un Himba amoureux, pauvre et revanchard et une sentinelle pyrénéenne déambulant dans les montagnes, écolo à l’excès. L’un est prêt à tout pour protéger les espèces menacées, pour mettre en lumière les excès des chasseurs, pour dénoncer les actes de barbarie commis par l’Homme ; les deux autres ont tout intérêt à voir le prédateur mort, soit pour empocher le trophée, soit pour préserver son village et son bétail. Le lecteur pourra s’interroger sur le message profond du roman : est-ce un livre à charge contre le colonialisme contemporain ? Sans doute, à moins que Colin Niel ne se contente d’effleurer cette question de colonialisme vert, voire de la justifier : à le lire, la gestion des espaces naturels protégés est efficace en France, tandis qu’en Afrique… Les autochtones n’en ont que faire. L’auteur adopte la première personne du singulier, quel que soit son focalisateur et s’attache à changer de style comme pour donner une voix plus vraisemblable à ses héros. Malgré tout, Entre fauves, s’il s’appuie sur une construction solide et efficace et sur un suspense réussi, aurait gagné à être épuré de ces tics de langage agaçants qui jalonnent les pages, Colin Niel pensant sans doute (à tort) individualiser ainsi davantage ses héros. Si la passion de Martin, l’écologiste, et ses débordements se sentent à travers ses phrases, Apolline, vingt ans, n’a de cesse avec ses « j’avoue », « en vrai » et autres anglicismes de l’acabit de « My God » – ce qui en énervera plus d’un.

En passant outre les quelques twists du schéma narratifs, parfois un peu faciles, et la langue lassante, d’aucun considérera Entre fauves comme un bon polar, addictif et engagé sur la voie de l’écologie – un polar d’aujourd’hui qui aurait mérité un style plus travaillé (ou peut-être moins), comme celui adopté lorsque l’auteur évoque le lion. Le prédateur, devenue proie pour reprendre son rôle, à l’image des jeux auxquels se livre Colin Niel avec ses autres protagonistes.

La photographie des Himbas est un cliché de Jean-Michel Turpin provenant du livre Rendez-vous en terre inconnue (Éditions de la Martinière).

Merci au magazine Elle et aux éditions du Rouergue pour cette lecture, sélectionnée par le jury de septembre dans la catégorie polars (note GPL : 12/20)

Ils en parlent aussi : Les liseuses. Pascale Marchal. Voyage au bout du livre. Anita et son book club. En lisant, en écrivant. Aude bouquine. La lectrice. Mots pour mots. Actu du noir. Folittéraires. Les mots des autres. Collectif polar. Derrière ma porte, un monde. Les livres de K79. Affranchie. Noir au carré. Lettres exprès. Tête de lecture

12 réflexions sur “Entre fauves, Colin Niel

  1. Ping : Les disparues du tableau, Daria Desombre – Pamolico, critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Entre fauves, Colin Niel — Pamolico, critiques romans, cinéma, séries – Le Vélin et la Plume

    1. Un peu déçue mais tout le monde a l’air emballé donc… généralement j’ai un souci avec le style des polars, je trouve toujours que les auteurs écrivent plus pour leur intrigue que pour la beauté de la plume (sauf rares exceptions) et cela m’énerve beaucoup.

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