Énorme, c’est le récit d’une grossesse souhaitée par le père et subie par la mère. Cette dernière, Marina Foïs, est pianiste et a l’habitude de ne rien contrôler, laissant les rênes de sa vie à son mari, Jonathan Cohen. Elle est passive en tout acte, le laisse même maître de sa plaquette de pilule. Alors quand ce dernier a une révélation, à quarante ans, et se trouve pris d’un désir soudain de paternité, il lui suffit d’un tour de passe-passe pour qu’elle devienne énorme… sans vraiment avoir conscience ce qui arrive à son corps. Ayant l’habitude de vivre dans sa tête, de seulement contrôler ses doigts de pianiste et ses répétitions, Claire ne comprend pas ce qui se passe, doit soudainement faire face à ce ventre qui enfle alors qu’elle ne voulait pas d’enfant, jamais, sa carrière passant avant tout. Comme le dit justement l’actrice, « la sentimentalité est ici masculine et le pragmatisme, féminin ». Sophie Letourneur a souhaité inverser les rôles, allant jusqu’à filmer un Fred encombré de plusieurs kilos supplémentaires alors que la naissance approche, assidu aux cours de préparation à l’accouchement, frottant son nombril avec un air concerné et béat tout à la fois. À ses côtés, sa femme se dandine comme elle peut de son banc de piano à son lit, de la cuisine au canapé, la majorité du long-métrage étant filmé à la manière d’un huis-clos infernal, à l’image du dernier mois de grossesse, vécu comme dans un aquarium d’après la réalisatrice, la femme étant alors prisonnière de son ventre, de son appartement, de ce corps qui ne répond plus à rien. Elle a d’ailleurs choisi le format carré pour souligner ce côté claustrophobique de la grossesse.

Les acteurs sont filmés au naturel, sans artifice. Jonathan Cohen, le roi de l’improvisation, peut ici donner libre cours à son talent puisque Sophie Letourneur accorde une grande place à la spontanéité. D’ailleurs, les scènes tournées à l’hôpital sont en réalité issues d’un montage astucieux associant la vie réelle des professionnels de santé en pleine action auprès d’anonymes à des scènes où les acteurs jouent sans vis-à-vis, tâchant de se plier aux contraintes des plans documentaires choisis par la réalisatrice, de caler leurs répliques sur celles des obstétriciennes et autres infirmières absentes du plateau – champs contrechamps étranges et excluant toute généralisation. Le résultat est étonnant, entre hyper-réalisme et incongruité, et si la première demi-heure a des accents grotesques et salaces plaisants, rapidement ce mélange dérange, met mal à l’aise et crispe un peu le spectateur. Le film devient lent, certaines scènes s’étirent, trop, et on finit par attendre le générique, accueilli avec soulagement malgré quelques épiphanies comiques tenant beaucoup à un chaman, à la mère de Jonathan Cohen et à son appartement « léopard » ayant été entraînés dans le projet par le fils, lui-même suggéré à la réalisatrice par Marina Foïs qui avait déjà travaillé avec lui.
Merci à Memento Film pour m’avoir permis de voir Énorme en avant-première, pour aVoir-aLire et Pamolico.
Ils en parlent aussi : The talent in you, Hatari publishing, Cinéphiles 44, On se fait un ciné, Lilylit, Sous cet angle avec un certain regard, Regard caméra, Un œil ciné
C’est particulier comme ambiance de grossesse 😅 ça fait penser à « un heureux évènement » de Rémi Besanzon, avec Pio Marmaï et Louise Bourguoin. Le personnage de Louise, globalement ,ne vit pas bien sa grossesse, le mari n’est pas au top, et le couple se délite
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Je crois que je l’ai vu à sa sortie mais ça remonte ! Le propos ici est en apparence beaucoup plus léger, c’est une comédie (d’assez mauvais goût parfois, avouons-le…) même si le message doit être à peu près similaire 🙂
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Le thème ne m’intrigue pas plus que ça mais le casting fait vraiment envie, surtout Jonathan Cohen que j’adore. C’est super quand il peut improviser.
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C’est pour le casting que j’ai craqué et on retient certaines bonnes choses du film malgré le rythme poussif des deux derniers tiers…
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Curieux de voir le résultat 👍
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Étonnant mais au final, lassant. Le message ainsi que la construction mêlant images de docu et de fiction auraient pu être davantage mis en valeur et travaillés…
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Le sujet me mettait mal à l’aise, mais tu me rassures avec ton avis, je vois qu’il est question de dénoncer une situation et ça me plaît beaucoup plus ! Dommage que la mise en scène ne suive pas, mais je note quand même…
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Oui, pour moi le film dénonce… mais ce n’est que mon interprétation.
L’originalité de l’intention est à noter, de même que l’interprétation même si le film finit par devenir poussif.
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Un film avec Jonathan Cohen, forcément, ça attire l’œil et le rire. Je constate que la forme n’est pas toujours au rendez-vous d’un sujet qui semble épouser celui d’un vieux Demy à demi oublié. Je verrai, mais pas tout de suite.
Merci pour cet avis bien eclairé.
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Merci à toi de ce passage. En effet, le film part vite en live, tout en s’etirant beaucoup trop. Le sujet est intéressant, permet de dénoncer un certain nombre de choses (plus que d’en faire l’apologie comme j’ai pu le lire ici et là…), l’idée de mêler documentaire et fiction apporte de l’originalité mais au final, c’est long et ça tombe un peu à plat.
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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