Glory, Elizabeth Wetmore

Gloria devient Glory un matin, les pieds dans la poussière et le visage en sang. Elle ne veut plus entendre les sonorités de son prénom espagnol qui la ramèneront à son calvaire, à sa bataille. Glory a été violée. Ce roman, c’est son histoire et l’histoire de tous ceux que son traumatisme touche de près ou de loin. C’est celle des femmes d’Odessa, Texas, qui restent chez elles, des souvenirs d’amour plein la tête si elles sont chanceuses, le corps marqué par les grossesses précoces dans tous les cas. L’écriture d’Elizabeth Wetmore est très visuelle. Elle nous emporte dans cette ville fantôme hantée par des âmes en peine, par des femmes isolées et farouches, par des gamines désœuvrées qui savent tirer à la carabine et s’inventent des amis imaginaires, baignée par la lumière glauque des torchères. Les hommes gagnent leur vie grâce au pétrole qui colle à leur peau, imbibe leurs vêtements et pénètre leur intimité, devenant leur odeur, camouflant leur parfum lourd.

Les soixante-dix premières pages de Glory semblent appartenir à une sorte de recueil de nouvelles où tous les personnages graviteraient les uns autour des autres, à l’image de Tales from the Loop – le roman partageant également avec cette série les mêmes paysages arides peuplés de créatures agricoles abandonnées et rouillées. Toutes les héroïnes d’Elizabeth Wetmore savent ce qui est arrivé à la « Mexicaine », chacune y croit plus ou moins. Et puis, après ce cap à franchir, ce premier cycle narratif achevé, le lecteur pénètre plus profondément dans cet univers fait de poussière âpre et d’une tristesse grise aussi collante que le pétrole. Les focalisatrices se succèdent puis finissent par revenir sur le devant de la scène dans une logique désordonnée, gamines ou fille-mère, vieille femme déprimée et alcoolique ou adolescentes malmenées. Si aucune n’est attachante, toutes ont une histoire, un passé et un avenir qui viennent parfois perturber la narration au présent et chambouler la chronologie. Ce roman dépeint une époque, une misère féminine et un racisme brûlant à l’écho tristement actuel, une misogynie à toute épreuve dans les paysages texans arides et inhospitaliers. La ponctuation énonciative est minimaliste dans une veine qui rappelle Par les routes de Sylvain Prudhomme. Ne pas court-circuiter la mélancolie ambiante, ne pas parasiter la portée sociale et les images que décrit Elizabeth Wetmore par des tirets et des guillemets, des points d’exclamation et des dash. Faire simple pour être plus percutant, pour marquer au fer rouge les esprits.

Glory est en lice pour le grand prix de littérature américaine 2020.

Merci aux éditions Les Escales et à NetGalley pour cette lecture.

Ils en parlent aussi : Madimado’s blog, Addiction polar, Les lectures de Lanie, La minute livres, L’art et l’être, La lectrice compulsive, Cathulu, Des livres et Sharon, Une geek se livres, Le kilomètre manquant, Fflo la dilettante, Le blog de Krol, Lettres exprès, Les livres d’Ève, Les voyages intérieurs, Les livres de K79, Les miss Chocolatine bouquinent, Loudie’s blog, Julie à mi mots, Louise et les canards sauvages, La livropathe, Little Coffee Book

11 réflexions sur “Glory, Elizabeth Wetmore

  1. Ping : 15 sorties poche de la rentrée littéraire 2021 – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Ohio, Stephen Markley – Pamolico, critiques romans, cinéma, séries

Laisser un commentaire