Vingt et un jours peut sembler être un délai plus que raisonnable pour qu’un demandeur d’asile complète son dossier et le remette à l’Opfra qui examinera ensuite son cas. En tout cas, Émeline, la protagoniste, considère de prime abord que ces trois semaines seront largement suffisantes pour se charger du formulaire d’Ehsan – mais les événements pourraient bien la détromper…
Dans le centre d’accueil où elle et Lara, sa maîtresse de stage, sont bénévoles, la plupart des migrants sont soudanais ou afghans. Ehsan vient de ce pays d’Asie centrale ravagé par les talibans – il est Hazara. Le roman s’ouvre alors que Lara et Émeline font sa rencontre, face aux documents administratifs à compléter. Le jeune homme parle anglais mais mal : sa langue maternelle, c’est le dari. On demande donc à Jawad, un Pachtoune doué avec les mots et la langue de Molière, de traduire. Le roman s’organise majoritairement autour du quatuor composé par les deux femmes et les deux afghans originaires d’ethnies considérées comme rivales. À cela se superpose le quotidien d’Émeline, les sorties avec ses amis, ses complexes, sa mésentente avec sa mère. Être confrontée à la vie de ces hommes qui ont tout quitté et qui risquent tout lui permet de prendre conscience de sa chance, de l’absurdité de certaines rancœurs. Elle grandit d’un coup, gagne en sagesse et en assurance.
Sans prétention, avec beaucoup d’émotion, Laurence Tellier-Loniewski immerge le lecteur dans le quotidien d’un centre d’accueil, évite habilement le mélo (mais n’en passe pas loin) et dévoile ce que trop peu savent. Elle rend attachants ceux qui, à la télévision, ne sont désignés que par ce terme de « migrants », ceux qui sont stigmatisés et pointés du doigt comme des voleurs d’emploi. Elle leur rend leur dignité, leur confère une histoire, une identité, un sourire. Leur donne une humanité qui leur est trop souvent reniée. Certains passages témoignent de l’aisance poétique de l’auteure à décrire la nature, d’autres, plus nombreux, atteste de son intelligence humaine. Vingt et un jours entremêle « nos » existences et les « leurs », établissant avec finesse que ces lignes faussement parallèles finiront inévitablement par se croiser, laissant une marque indélébile des deux côtés.
Un grand merci aux éditions Gallimard pour cette lecture : en contribuant à enrichir aVoir aLire, elles ont également contribué à enrichir Pamolico.
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Beau sujet.. je vais le lire.
Merci Cécile 🙂
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En espérant que tu sois séduite alors 😉
Merci à toi de me lire !
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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