Réelle, Guillaume Sire

Réelle commence un peu à la manière du Journal d’Aurore de Marie Desplechin. Une jeune adolescente perdue, pas vraiment à l’aise, ni dans sa famille ni au collège, ni dans sa tête. Les voix s’élevant du poste ont rythmé l’enfance de Johanna, ses départs pour le royaume du sommeil, ses réveils. Elle est jolie, elle danse bien grâce aux cours de ballet qu’elle a arrêtés, elle attire les regards comme sa copine Jennifer, de trois ans son aînée. Toutes les deux rêvent de passer à la télévision, de devenir célèbres, de chanter Dieu m’a donné la foi aux côtés d’Ophélie Winter, l’idole de Johanna. Et puis les années passent, les amourettes sans conséquence se suivent, toujours dans l’ombre de celui qui « viola son enfance ». La première partie de Réelle se déroule, semblable à la jeunesse de tant d’adolescents des années 1990. Johanna semble servir de miroir réfléchissant à celles qui furent obnubilées par les émissions télévisées, par les images grésillantes et par la naissance des écrans. D’ailleurs, Guillaume Sire lui-même est un digne représentant de la génération Y.

Et puis, le miracle se produit, Johanna est rappelée par ceux qui organisaient le casting de Graine de Star qui l’avait anéantie il y a plusieurs années : elle les intéresse de nouveau. Cette fois, c’est la bonne – elle doit devenir célèbre.

Réelle, c’est la désillusion, c’est la dislocation des rêves de ces jeunes, la dislocation des chimères nées de l’écran et des gens qui y dansent. C’est l’envers de cet écran, les coulisses, la douleur et la violence qui s’y cachent. Une plongée dans les pensées d’une innocente qui craque, parce que rien n’est semblable aux scénarii qu’elle créait dans sa tête. C’est une leçon d’humilité et de simplicité. Réelle est un livre empreint de réel et de faux tout à la fois, à l’image du Monde n’existe pas de Fabrice Humbert – le roman dénonce la fiction qui prend le pas sur la vie, sur l’authentique. Non dénué de longueurs, de défauts, Réelle n’en est pas moins une œuvre touchante. Elle porte un message qui résonne, aujourd’hui encore, comme un avertissement. La célébrité n’est qu’un fantasme dont les images s’effilochent une fois concrétisé. Çà et là, la musicalité et la poésie imagée de Guillaume Sire émergent, fulgurances, comme un prologue, une antichambre des miracles laissant entrevoir le sommet des merveilles atteint avec Avant la longue flamme rouge, publié deux ans plus tard, en 2020.

Les éditions de l’Observatoire en parlent ici.

Ils en parlent aussi : Lettres it be, Au fil des livres, Mumu dans le bocage, Mes p’tits lus, Mademoiselle Maeve, The unamed bookshelf, Voix de plumes, L’œil d’Em, Parler d’amour, Des livres et vous, Flo and books, Littécritiques

9 réflexions sur “Réelle, Guillaume Sire

  1. Ping : Les corps solides, Joseph Incardona – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s