Mrs America, Dahvi Waller

La série Mrs America s’attaque au combat qu’a provoqué, dans les années 1970, une proposition d’amendement à la Constitution américaine qui déclarerait l’égalité entre hommes et femmes. D’un côté, les féministes, dont la célèbre Gloria Steinem, militant pour l’ERA (Equal Rights Amendments), de l’autre, les antiféministes, suivant la très conservatrice Phyllis Schlafly, morte en 2016 juste après avoir signé son dernier ouvrage, The Conservative Case for Trump (ce qui donne une idée du personnage). 

Le jeu des acteurs (actrices !) de Mrs. America est à saluer, tout comme le travail des maquilleurs et costumiers : les ressemblances entre les personnages historiques et leur double à l’écran sont plus que frappantes.

Cate Blanchett, d’ailleurs nominée aux Golden Globes 2021 aux côtés des actrices principales d’Unorthodox, de The Undoing et de The Queen’s Gambit, incarne brillamment cette mère de famille, passionnée de droit constitutionnel mais farouchement opposée aux droits des femmes. Au droit à travailler, à être indépendante, à aimer qui elles le souhaitent – alors qu’au fond c’est précisément ce à quoi elle aspire (sauf concernant la partie sexualité libérée bien sûr). Depuis sa demeure d’Illinois et sous le regard tantôt fier tantôt contrarié de Fred, son époux, elle crée son mouvement, Stop ERA après qu’une de ses amies, Alice, l’a avertie du danger représenté par cet amendement. Selon elles et leur clique, il mettrait en péril les femmes, remettraient en cause le système des pensions familiales, élargirait le public soumis à la conscription et ferait ainsi planer la menace de la Guerre du Vietnam au-dessus de leurs filles. Et puis, à New-York, sur la côte Ouest ou à Washington, Gloria Steinem, Bella Abzug (Margo Martindale, déjà remarquée pour son rôle dans The Americans) et leurs amies – noires (pensons ainsi à Shirley Chisholm incarnée par Uzo Aduba, découverte dans Orange is the New Black), lesbiennes, militantes pour l’avortement ou simplement femmes et voulant prétendre à l’égalité – tâchent de mobiliser les foules, de sensibiliser les unes, les autres, de se rapprocher d’hommes politiques influents. De faire les bons choix stratégiques. Est également retracée, en filigrane, la création de Ms. Magazine, journal féministe s’il en est, et la vie de sa rédaction. Rose Byrne campe une Gloria pleine d’un charme un peu indolent, sa voix cassée et sa douceur camouflant un caractère et une force à toute épreuve. Pourtant, la véritable héroïne des droits des femmes n’a que peu d’égards pour cette série qu’elle décrit comme « ridicule, dégradante et pas très bonne ». Elle regrette en effet que le combat soit présenté de telle sorte qu’il donne l’impression d’opposer les femmes aux femmes et pas davantage les femmes aux lobbys, aux réalités politiques d’alors, aux assureurs. « La série donne l’impression que les femmes sont nos pires ennemis » a-t-elle déclaré au Guardian (propos repris par les Inrocks). Selon elle, Phyllis Schlafly n’a eu, en réalité, qu’une influence minime sur la situation finale.

Ce qui est certain, c’est que le climat social, à savoir la fracture qui clive les États-Unis depuis des décennies, séparant irrémédiablement conservateurs et progressistes, est admirablement dépeint. L’ambiance, tantôt tourbillonnante et hippiesque des villes, tantôt traditionnelle, austère et conservatrice de la province, est presque palpable et le spectateur se retrouve immergé dans cette lutte implacable – peut-être un peu simplifié cela dit, comme le regrette Gloria Steinem.

Le plus gros reproche à faire à cette série est sans doute le manque de constance d’un épisode à l’autre. Le manque de continuité est également à déplorer. Sur les neuf parties qui composent Mrs America, de nombreux réalisateurs se sont succédé, transposant à l’écran les mots de la scénariste, Dahvi Waller, à l’origine de Mad Men – et cela se sent. Si les deux épisodes signés par Laure de Clermont Tonnerre (réalisatrice de Nevada, ne l’oublions pas) sont sans aucun doute les meilleurs, certains sont un cran en-dessous. En outre, pour proposer une fresque la plus exhaustive possible, la série passe souvent sous silence plusieurs mois (voire années), ce qui dessert la compréhension globale du spectateur et l’appréhension du champ politique et social dans son entier. Ce reproche serait sûrement moindre si Canal + n’avait pas choisi de diffuser la série sur 9 semaines, à raison d’une partie tous les sept jours…

Ils en parlent aussi : Mirmande, Feministah, Snobpop, Métro, Worldcinecat, Culture vs news, Dans les épisodes précédents, The binge watcher, Les carnets de la télévision, Pretty Rose Mary, Cinétib, Hellooo today, Justine Vaillant, Smells like chick spirit

9 réflexions sur “Mrs America, Dahvi Waller

  1. Ping : La persuasion des femmes, Meg Wolitzer – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Gaslit, Robbie Pickering – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  3. Ping : Les inséparables, Stuart Nadler – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  4. Ping : The Queen’s Gambit (Le jeu de la dame), Scott Franck – Pamolico, critiques romans, cinéma, séries

    1. Merci ! Elle est riche en informations, le contexte et l’ambiance sont très bien dépeints même si le reproche que lui fait Gloria Steinem est plutôt vrai…
      Oui, et puisqu’on ne regarde pas rien entre chaque épisode, on perd vite le fil… maus bon, maintenant qu’ils ont tous été diffusés, c’est possible de binge-watcher 😉
      Bon dimanche ! ☀️😊

      Aimé par 1 personne

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