Le lambeau, Philippe Lançon

Ce livre est une montagne à gravir pour le lecteur – pas la Montagne magique de Thomas Mann mais davantage une aventure à vivre, une errance douloureuse, comme une leçon de vie. Il se traverse comme une épopée, semblable à un voyage éprouvant mais nécessaire. C’est une reconstruction que nous raconte-là Philippe Lançon, la sienne, celle de sa mâchoire, de sa mémoire.

Depuis le soir du 6 janvier, veille de l’attentat qui bouleversa Charlie Hebdo mais aussi le monde, jusqu’à novembre 2015, à New-York (mais aussi en pensées à Paris, au Bataclan), nous marchons dans les pas de son corps lourd et bouleversé, presque plus traumatisé encore que son esprit. Nous le suivons d’une chambre à l’autre, dans les couloirs de la Salpêtrière puis dans les dédales des Invalides, avec un trou dans le menton puis avec un morceau de péroné en guise de mâchoire. Ses douleurs sont les nôtres, ses craintes nous transpercent, sa fatigue aussi, nous ressentons son presque bien-être dans ce cocon qu’est devenu pour lui le service de stomatologie, entouré des infirmières, de Chloé sa chirurgienne, des policiers de sa garde rapprochée, de ses visiteurs, souvent désabusés. Les multiples combats, les multiples descentes dans le « monde d’en bas », les greffes successives, les déceptions et les petits bonheurs, l’impossibilité de se reposer sur celui qu’il était avant. Un autre, un inconnu, quelqu’un qu’il ne pourra plus être. Tout a changé, plus rien n’est pareil. Son parcours du combattant est accompagné de ses lectures, de ses musiques, de ses réflexions parfois amères, toujours érudites et pleines d’à-propos. Bach, Thomas Mann, et Proust, ce cher Proust. Voilà ce qui rythme ses jours, ses pas et ses pages. Pas de radio ni de télé, jamais. À la place de ce fond sonore, des réminiscences un peu tristes mais jamais de complaisance ni de haine. De la pudeur, sans rien nous cacher.

Retournés des pieds à la tête, voilà comment nous sommes après avoir fini de lire ce récit, cette confession. Voilà aussi l’état de la vie de Philippe Lançon suite à cet attentat, « un revenant » qui doit s’accommoder de ses afflictions et de ses dégâts parce qu’il est en vie. Humilité et humanité, voilà la morale du Lambeau.

Ils en parlent aussi : Plumes et pinceaux, Moonpalaace, Les voyages intérieurs, Sin city, La critiquante, La bouche à oreille, Page temps, Blogapostrophe, Maux et cris, Des mots pour vous dire, Le blog littéraire de Calliope, Sweety’s world, Le blog de Toniachka, Les 14 affranchis, Zéro janvier, Tanakia, Mon voyage déco beauté, Mumu dans le bocage, La fabrique de souvenirs, Les rêveries de Camille, Les petites analyses, Diacritik, Autobiosphère, Carolivre

20 réflexions sur “Le lambeau, Philippe Lançon

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  2. Une très belle chronique pour un ouvrage qui m’a bouleversé ! Tout en pudeur et racontant la reconstruction physique et psychique d’un homme, Philippe Lançon qui n’a pas de sentiment de vengeance qui l’habite. C’est une leçon de vie d’un homme qui tente de retrouver un équilibre tout précaire qu’il soit. Merci Cécile pour ce retour. Un grand livre ! 😊

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