Violon conjugué à tous les temps (Âme brisée, Akira Mizubayashi)

ÂME, subst. Fém. Musique. Âme d’un instrument à cordes. Petite pièce de bois interposée, dans le corps de l’instrument, entre la table et le fond, les maintenant à la bonne distance et assurant la qualité, la propagation comme l’uniformité des vibrations.

Trésor de la langue française

Âme brisée ou le cœur d’un violon qui est déchiqueté, réduit en poussière par un soldat peu scrupuleux de la milice impériale japonaise. L’auteur écrit donc l’histoire de ce violon, de la famille qui se construit, déconstruit et reconstruit autour de cette âme, en harmonie avec elle. La musique imprègne ces pages, surtout Schubert et Bach, la musique des langues aussi puisque Akira Mizubayashi insère quelques mots en japonais, qu’il traduit à l’intention de ses lecteurs. Peut-être est-ce un sujet cher au cœur des hommes de lettres du pays du Soleil-Levant – on se rappelle du roman L’inconsolé de Kazuo Ishiguro, mettant en scène un pianiste désabusé. Si le cadre est moins onirique, Âme brisée est tout aussi pudique et prude sur les émotions du héros, sur cet homme aux doigts de fée, sur ce réparateur des âmes cabossées qui nous reste donc un peu hermétique, comme si l’auteur avait paradoxalement souhaité protéger son intimité en écrivant sur lui. Tout tourne donc autour du scénario, du destin de ce violon brisé, maltraité. Peut-être le récit manque-t-il d’un petit twist pour rester dans les mémoires, néanmoins, le lecteur passe un bon moment, bercé par la musique et par les mots simples de l’auteur.

Il raconte une jolie histoire, tendre et sans prétention, même si les dialogues ont un petit accent dissonant. On se prend au jeu, se laisse porter par les mots et par les sons, par les pérégrinations du héros, touchant malgré tout. Même si ce livre n’est pas un grand roman, il apporte une petite lueur d’espoir et met en lumière une histoire que l’on connaît peu – celle du Japon d’avant 1940. Dommage d’ailleurs que l’auteur ne nous en explique pas un peu plus sur le contexte.

La musique unit les cœurs, traversent les frontières et les époques, elle rappelle les fantômes du monde à qui Akira Mizubayashi dédie son livre. Les instruments sont porteurs d’un passé qui nous dépasse ou qui nous appartient, d’une mémoire millénaire. Les faire jouer donne une nouvelle vie à ce passé, le fait revenir d’entre les morts. Âme brisée dans tous les sens donc, âme violonnesque et âme humaine, âme qui s’élève et âme qui reste, mais toujours âme qui vibre et vit, palpite, même brisée.

Crédits images (photographie violons) : Jean-François Naudin / Luthier de l’Yonne

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