Ce roman a été lu dans le cadre du Prix du Roman des Étudiants France Culture / Télérama 2019.
Ce roman est sans doute davantage un essai sociologique qu’une œuvre de fiction. À de nombreuses reprises – quasiment à chaque page en fait, il nous met mal à l’aise et questionne nos certitudes. Emma Becker parle d’elle, parle d’expérience, sait pertinemment ce qu’elle dit parce qu’elle l’a vécu. Elle a côtoyé ces femmes, ces « putes », elle a passé deux ans dans « La maison » à Berlin. Pas de faux-semblants avec elle, pas de fausse pudeur. Le lecteur doit s’attendre à lire des mots crus, des mots durs et sans fioritures, des mots qui ne laissent aucun secret ni aucun mystère, qui dévoilent l’anatomie et les horreurs comme les bonheurs. L’auteure ne cherche pas à nous protéger, simplement à nous confronter à une réalité ignorée, effleurée tout juste par quelques hommes, de temps en temps, ou vécue comme l’expérience d’une vie. Elles sont rondes ou minces, coquettes ou râleuses, ont un « gros cul » ou des seins lourds, mais toutes ont un rire unique, un caractère, une présence irremplaçable.
La narration est décousue, et le récit va et vient d’expérience en expérience, de « client » en « client », de chambre en chambre. Emma Becker raconte le Manège, cette sorte d’usine à dames, et surtout cette Maison, maison qu’elle a considérée comme telle davantage que comme une maison close, maison qu’elle a aimée comme un chez-elle. Elle raconte ses dédales et ses recoins, les habitudes des filles, leurs pêchers mignons, leurs caprices et leur vie, en filigrane.
Il ne faut pas lire ce livre comme un roman, je l’ai déjà dit, et il faut s’attendre à être choqué, à entendre parler de sexe, crûment et sans filtre. On fait l’économie de certaines pages, même si la plume de l’auteure est ciselée, précise, douce et incisive. C’est une réalité, ce sont des vies qui existent, qui sont là, quelque part, et qui ne sont pas vraiment racontées. Alors certes, tout le monde ne lit pas pour se voir imposer des scènes dignes de films pornos, mais c’est un de ces livres dont on pourrait dire qu’il est nécessaire.
Ce qu’en disent les éditions Flammarion ici 🙂
Ils en parlent aussi : Un plaid, un thé, des livres, Loupbouquin, Les éditions de Chavonnes, Lectures de rêves, Littécritiques, Le quotidien Julia, Les indécises chroniquent, Révolution féministe, Mes ptit lus, Sonia boulimique des livres, Topobiblioteca, Mes échappées livresques, Black roses for me, En faits, Livrissime, Alma Mater, Liseuses de Bordeaux, Nuit de livres, Allilalu
8 réponses sur « Canicule à Berlin (La Maison, Emma Becker) »
Il est important de parler de ces sujets même si je note des réserves de ta part que je comprends car les descriptions trop crûes qui se succèdent me lasse en général 😉 Excellente soirée Cécile 🙂
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Merci Frédéric ! Oui, tu as bien cerné mon opinion 😉
Bonne journée à toi !
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Il faut que je m’y plonge ! Merci pour ce retour.
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J’ai aimé cette entre deux, fiction non fiction, biographie roman… Une ambiance de maison close à la Zola avec la modernité de notre époque ! J’ai beaucoup aimé ! ( merci pour le lien =) )
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Je suis un peu plus mitigée, mais j’aime bien ta description 😉 (de rien !)
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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moi je n’ai fait l’économie d’aucune page …. Pour moi il était « même » bouleversant (sa structure est en ce sens – avec ce dernier chapitre magnifique – pour moi, encore – époustouflante).
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J’ai beaucoup aimé le dernier chapitre également mais certains passages très crus n’étaient pas forcément nécessaires, le lecteur finit par saturer un peu de l’accumulation.
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